Oncorhynchus rastrosus saumon préhistorique géant
Crédits : Université de l'Oregon/Plos One, 2024

Ce saumon préhistorique géant avait des défenses semblables à celles du phacochère

Dinosaures, mégalodons, mammouths et mastodontes, serpents, rapaces, crocodiles… À la préhistoire, de nombreux géants souvent redoutables peuplaient les terres et les océans. Ce saumon nommé Oncorhynchus rastrosus ne faisait pas exception. Toutefois, sa taille impressionnante n’est pas sa seule caractéristique notoire. Il possédait en effet une paire de dents singulières qui ont longtemps intrigué les chercheurs. Une nouvelle étude nous en apprend plus sur ces défenses uniques qui prouvent en tout cas une chose : ce poisson n’avait absolument rien d’un gentil géant.

Que sait-on de ce saumon très ancien aux dimensions impressionnantes ?

Il faut remonter aux années 1970 pour retrouver les toutes premières descriptions de Oncorhynchus rastrosus, un saumon qui vivait le long de la côte pacifique nord-américaine, à deux pas de l’actuelle Californie, de l’Oregon et de Washington. Il nageait en ces eaux il y a onze à cinq millions d’années.

En l’état actuel de nos connaissances, il est aujourd’hui décrit comme le plus grand saumon ayant jamais vécu sur Terre. Avec une taille avoisinant les 2,7 m selon les estimations, il fait le double de la taille du saumon royal (Oncorhynchus tshawytscha) qui dépasse difficilement le mètre de long. Et bien qu’il n’en soit pas l’ancêtre direct, il s’impose aussi comme un proche parent du saumon rouge moderne (Oncorhynchus nerka), un poisson qui peut quant à lui atteindre une longueur totale de 84 cm tout de même.

Comparaison de la taille d'un saumon à dents de scie avec la taille du plus grand saumon vivant et d'un pêcheur de 1.80 m.
Source: DR
Comparaison de la taille d’un saumon à dents de scie avec la taille du plus grand saumon vivant et d’un pêcheur de 1.80 m. Crédits : Ray Troll/Université de l’Oregon/Plos One, 2024

Son histoire retracée nous laisse entrevoir une créature née dans les rivières et ruisseaux qui passe ensuite la grande majorité de sa vie dans la mer, avant de revenir à son lieu d’origine pour pondre et mourir. Et contrairement au saumon royal qui se repaît d’autres poissons, la vie de ce géant était en grande partie rythmée par la consommation de particules organiques et de planctons, des créatures microscopiques qu’ils avalaient à travers des sortes de branchies-râteaux qui servaient de tamis. Dans ces conditions, comment expliquer la présence de grandes dents chez ce poisson ?

Des dents étonnantes chez ce grand saumon

Une erreur compréhensible enfin corrigée

Découverts en Californie et dans l’Oregon, les premiers fossiles de cette espèce n’étaient plus articulés. Les dents étaient ainsi séparées du reste du corps, ce qui rendait donc leur place sur le squelette plus sujette à interprétation. Du fait de la présence de dents tournées vers l’intérieur et le bas chez des espèces modernes communes dans le Pacifique, les chercheurs avaient logiquement déduit qu’il en était de même pour O. rastrosus.

Toutefois, des fossiles de mâles et de femelles découverts en 2014 ont remis en question cette hypothèse, questionnant au passage le surnom de saumon à dents de sabre, utilisé en référence aux félins préhistoriques fascinants qui présentaient cette caractéristique. Au cours d’une expédition, les équipes de recherche sont en effet tombées sur des spécimens qui présentaient des mâchoires toujours parfaitement connectées et, de part et d’autre, les dents en question.

L’utilisation de la tomodensitométrie (une technique d’imagerie non invasive pour visualiser les structures invisibles à l’œil nu d’un fossile sans l’abîmer) au cours de cette étude publiée le 24 avril 2024 dans Plos One a ensuite permis de conforter ces nouvelles observations qui confirment ainsi qu’il ne s’agit non pas d’un « saumon à dents de sabre », mais bien d’un « saumon à dents en pointe », insistent les chercheurs. Ce poisson se rapproche ainsi ici plus du phacochère.

Oncorhynchus rastrosus saumon préhistorique
Source: DR
Tomographie latérale du crâne de saumon et représentations artistiques d’Oncorhynchus rastrosus. Crédits : Ray Troll et coll./Université de l’Oregon/Plos One, 2024

Mais finalement, à quoi ces défenses pouvaient-elles bien servir à ce saumon ?

En réalité, il se pourrait bien qu’il ait eu une dent (ou deux) contre les requins… En effet, malgré sa taille plus que respectable, il était très certainement la cible de nombreux prédateurs carnivores qui sévissaient à l’époque et qui étaient assurément friands de ce grand poisson bien enrobé de chair. « Ces pointes, maniées avec une telle force, auraient pu facilement tuer ou blesser un requin, un dauphin, une otarie ou un autre saumon de la même espèce », affirme Kerin Claeson, l’autrice principale de l’étude qui est aussi professeure d’anatomie à l’Université de médecine ostéopathique de Philadelphie (États-Unis), à Newsweek.

 

Toutefois, les chercheurs émettent d’autres hypothèses pour expliquer la présence de ces protubérances impressionnantes. « Ces pointes massives sur la pointe de leur museau pourraient avoir été utiles pour se défendre contre des prédateurs, entrer en compétition avec d’autres saumons et à terme construire les nids où ils pouvaient incuber leurs œufs. […] Des découvertes comme la nôtre montrent que ce n’était probablement pas des gentils géants », conclut la chercheuse. De futures observations avec d’autres technologies innovantes pourraient toutefois permettre aux scientifiques de déterminer l’utilité réelle de ces dents.

Un saumon qui nous en apprend beaucoup

Cet animal captivant a disparu il y a environ 4,75 millions d’années, suite au refroidissement des océans. Les scientifiques pensent ainsi que la biologie étonnante de ce géant pourrait fournir des indications sur les potentiels futurs changements qui pourraient être à l’œuvre avec le changement climatique, les températures risquant en effet d’évoluer pour atteindre celles connues à l’époque, surtout si rien n’est fait pour empêcher le climat d’évoluer.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.