Plusieurs chercheurs s’accordent à penser que la contamination par les germes terrestres sera inévitable une fois que nous aurons posé les pieds sur Mars. Alors, pourquoi ne pas tirer ce problème à notre avantage en « relâchant » délibérément des microbes par exemple ?
Nous savons que certaines agences publiques et privées envisagent aujourd’hui une exploration humaine de Mars. C’est par exemple le cas de la NASA, SpaceX ou l’Administration spatiale nationale chinoise. Cette intervention pourrait d’ailleurs avoir lieu au cours de la prochaine décennie si tant est que nous arrivions à relever les défis techniques et sanitaires inhérents à une telle mission. Mais si nous arrivons un jour à poser le pied sur la planète rouge, c’est pour y rester. Or, se pose alors le problème (très grave) de la contamination terrienne par nos microbes.
Des protocoles mis en place
Depuis le début de l’ère spatiale, les chercheurs ont pris au sérieux la menace de contamination biologique d’autres mondes. La NASA a été la première à évoquer dès 1959 la première la nécessité de stériliser nos engins spatiaux. Nos germes pourraient en effet potentiellement contaminer des zones scientifiques, altérant ainsi notre capacité à détecter une vie microbienne extraterrestre. Il est également à craindre que nos microbes agressifs ne suppriment tout un écosystème extraterrestre avant même que nous ayons eu la chance de le découvrir et l’étudier.
Il a donc été décidé à cette époque que toutes les missions d’exploration planétaire devaient adhérer à des normes de stérilisation. C’est à ce moment-là que fut mis en place un Comité (COSPAR) établissant des recommandations et des protocoles conçus pour protéger l’espace de nos microbes. Et jusqu’à présent, ces protocoles semblent fonctionner.
Une contamination inévitable ?
Mars fait aujourd’hui l’objet de huit missions actives, avec notamment deux rovers en surface. À ces huit missions s’ajouteront prochainement les missions ExoMars (de l’ESA) et Mars 2020 (de la NASA). Jusqu’à preuve du contraire, les efforts visant à stériliser tous les instruments concernés ont porté leurs fruits. Mais que se passera-t-il lorsque nous poserons à notre tour les pieds sur Mars ? David Weintraub, astronome à l’Université Vanderbilt, aux États-Unis, évoquait déjà le problème il y a quelques mois :
« Lorsque la Terre enverra des astronautes sur Mars, ils voyageront avec des systèmes de maintien de la vie et de fourniture d’énergie, des habitats, des imprimantes 3D, de la nourriture et des outils« , expliquait-il. « Aucun de ces matériaux ne peut être stérilisé de la même manière que les rovers. Les colons humains vont produire des déchets, essayer de produire de la nourriture et utiliser des machines pour extraire l’eau du sol et de l’atmosphère. En vivant simplement sur Mars, des colons humains vont contaminer Mars« .
Trois nouveaux chercheurs : le microbiologiste Jose Lopez, de la Nova Southeastern University en Floride accompagné de W. Raquel Peixoto et Alexandre Rosado, de l’Université fédérale de Rio de Janeiro ont proposé il y quelques semaines un véritable changement philosophique dans notre réflexion sur la propagation des microbes terrestres dans l’espace. Comme Weintraub ils soutiennent que la contamination de Mars par nos microbes est « inévitable ». De ce fait, ils pensent que nous devrions tirer ce problème à notre avantage.
Remodeler la planète Mars
Pour faire simple, ces trois chercheurs proposent de s’appuyer sur certains micro-organismes pour remodeler la planète rouge. Ainsi, cela permettrait notamment de la rendre plus « respirable » pour les futurs explorateurs. Certains micro-organismes ont en effet joué un rôle essentiel dans l’habitabilité de notre planète en produisant de l’oxygène, en régulant certains gaz comme le dioxyde de carbone, le méthane et l’azote ou en décomposant des matériaux organiques et inorganiques.
« La vie telle que nous la connaissons ne peut exister sans micro-organismes bénéfiques« , explique Jose Lopez. « Ils sont ici sur notre planète et aident à définir des associations symbiotiques – la cohabitation de plusieurs organismes pour créer un plus grand tout. Pour survivre sur des planètes stériles (jusqu’à preuve de contraire, Mars est aujourd’hui stérile), nous devrons emporter avec nous les meilleurs microbes (les plus actifs et résistants). Cela prendra du temps, bien évidemment, et des recherches rigoureuses. Nous ne préconisons pas une vaccination précipitée« .
Cette proposition compliquée sur le plan technique et éthique a été rejetée par de nombreux chercheurs. Actuellement, la communauté scientifique s’accorde en effet sur la nécessité de prévenir la contamination microbienne d’autres corps planétaires. Pour beaucoup, les protocoles en place fonctionnent et il n’y a pas de raison de penser qu’ils pourraient ne pas fonctionner à l’avenir. Cela ne fait aucun doute qu’ils devront les resserrer et que cela coûtera de l’argent. Mais contaminer une planète est un acte radical sans possibilité de retour en arrière. L’explorateur se transforme alors en colonisateur. Bref, cela constitue changement radical de philosophie.
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