Les plumes ont-elles aidé les dinosaures à survivre à leur première apocalypse ?

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Crédits : Larry Felder

De nouvelles preuves de l’existence de lacs glacés trouvées à côté d’empreintes de dinosaures renforcent l’idée encore débattue qu’une importante vague de froid pourrait être à l’origine de l’extinction de nombreuses espèces terrestres il y a environ 200 millions d’années. Si l’on en croit ces travaux, la capacité à braver le froid d’un hiver volcanique pourrait alors avoir permis aux dinosaures de survivre, tandis que beaucoup d’autres ont succombé.

Il y a quelques années, de nouvelles datations précises de roches ont confirmé que de gigantesques éruptions volcaniques étaient bien à l’origine de l’extinction soudaine de la moitié des espèces vivantes sur Terre il y a environ 200 millions d’années en altérant le climat mondial. Nous savons que les dinosaures, déjà présents, mais encore timides à cette époque, ont survécu à cet événement pour finalement dominer la planète pendant 135 millions d’années avant de disparaître à leur tour il y a environ 66 millions d’années.

Les chercheurs sont conscients que la plupart des extinctions se sont produites en milieu océanique. Cependant, la manière exacte dont cet événement d’extinction a affecté la vie sur la Pangée interroge encore. Les dinosaures et tous les autres ont-ils essuyé une vague de chaleur ou une vague de froid ?

La réponse n’est pas évidente. En mer, nous savons que les quantités folles de dioxyde de carbone libérées par les volcans ont rendu les océans trop acides. En témoignent les changements chimiques dans les coquillages et les os laissés par les organismes marins. Sur la terre ferme, les géologues ont longtemps pensé que les gaz à effet de serre avaient augmenté les températures. Cependant, d’autres processus climatiques importants étaient peut-être en jeu.

Le soufre des volcans en éruption peut en effet former de petites gouttelettes dans l’atmosphère capables de renvoyer la lumière solaire dans l’espace, conduisant potentiellement la surface à un court « hiver volcanique ».

De nouveaux indices en Chine

Pour tenter d’en apprendre davantage, les géologues peuvent s’appuyer sur quelques indices témoignant d’anciennes températures froides. Si de la glace se forme le long du bord d’un lac par exemple, les roches et la saleté isolées sur la rive peuvent se retrouver coincées à l’intérieur. Lorsque cette glace se détache et flotte dans des eaux plus profondes, elle fond et laisse tomber le sable ou les cailloux avec elle. Ainsi, lorsque les géologues repèrent du sable ou du gravier de rivage dans la boue d’un ancien lac, cela peut indiquer le travail de la glace.

Dans une nouvelle étude publiée dans Science Advances, une équipe dirigée par Paul Olsen, géologue et paléontologue à l’Université de Columbia, annonce avoir isolé ce motif révélateur dans d’anciennes roches de fond de lac du bassin de Junggar, au nord-ouest de la Chine. Il y a environ 200 millions d’années, la région se trouvait au nord du cercle polaire arctique et faisait partie de la Pangée.

Or, cet indice indiquant la présence de glace à cette époque se trouve dans les mêmes couches de roches où abondent certaines empreintes de dinosaures préservées. Pour les chercheurs, cela suggère que des dinosaures parcouraient les rives de l’ancien lac même dans des conditions hivernales glaciales.

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Une falaise de schiste où les scientifiques ont trouvé des galets glaciaires au milieu de sédiments à grain fin. Crédits : Paul Olsen/Observatoire de la Terre Lamont-Doherty

Merci les plumes ?

Sur la base des liens évolutifs entre les dinosaures évoluant à la fin du Trias et les dinosaures ultérieurs, les ptérosaures et les oiseaux modernes à plumes, les auteurs soutiennent que les dinosaures qui ont survécu à cette période froide avaient également des plumes et autres structures filandreuses isolantes. Ce scénario soutiendrait alors la théorie selon laquelle il y a eu une évolution précoce et unique des plumes chez les dinosaures.

Pour les chercheurs, l’idée d’une vague de froid destructrice pourrait également aider d’autres modèles dans les archives fossiles à se mettre en place. Par exemple, nous savons que des parents de crocodiles disparus depuis longtemps appelés Pseudosuchiens dominaient les tropiques chauds du Trias supérieur. Les paléontologues pensent que comme les reptiles modernes, ces créatures qui n’avaient pas de plumes se sont adaptées pour conserver l’eau et auraient donc probablement pu survivre aux conditions chaudes et sèches si le dioxyde de carbone volcanique avait provoqué une vague de chaleur.

Or, les squelettes et empreintes de ces reptiles ont pratiquement disparu des archives fossiles après la fin du Trias. Ce constat conduit les auteurs à supposer que ces animaux n’avaient peut-être pas les moyens physiques de rester au chaud pendant un hiver volcanique.

Naturellement, il est difficile de conclure définitivement sur cette question sur la base de cette étude seule. Il est en effet très difficile de démêler tous ces effets climatiques et d’essayer de clarifier les liens entre les mécanismes de destruction potentiels et certains groupes d’organismes.