Certaines bactéries brassent de l’alcool dans nos intestins

Klebsiella pneumonia. Crédits : Wikipédia

Le cas d’une patiente chinoise a récemment permis d’identifier deux souches particulières de bactéries intestinales capables de produire de l’alcool. Une découverte qui pourrait expliquer l’une des maladies du foie les plus courantes.

Tout est parti d’une patiente chinoise qui s’est présentée à l’hôpital avec une stéatose hépatique sévère. Cette maladie se caractérise par une accumulation de graisse dans le foie. Souvent, c’est la conséquence d’une consommation excessive d’alcool, mais de nombreuses personnes qui ne boivent pas développent également la maladie. On parle alors de stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD). Les causes de cette maladie peuvent être multiples, une fois l’alcool mis de côté. Mais elles ne sont pas encore très bien comprises. Le cas de cette patiente, qui présentait malgré tout un taux très élevé d’alcool dans son corps, nous permet d’y voir un peu plus clair.

On a déjà soupçonné qu’une souche de levure, fermentant les glucides mal absorbés dans l’intestin, pouvait être en partie responsable de cet « alcool brassé ». Mais ce n’était pas le cas ici. « Le résultat du test chez cette patiente a été négatif, explique en effet Jing Yuan, principal auteur de l’étude publiée dans la revue Cell Metabolism. Les médicaments anti-levures ne fonctionnaient pas non plus, alors nous avons suspecté que [sa maladie] pouvait être causée par autre chose ».

Deux souches bactériennes

Après analyses, il est effectivement ressorti que les intestins de la patiente contenaient deux souches, très présentes, d’une espèce bactérienne relativement commune appelée Klebsiella pneumonia. Ces bactéries étaient visiblement capables de produire quatre à six fois plus d’alcool que les souches trouvées chez les personnes en bonne santé. « Nous avons été surpris par le fait que ces bactéries puissent produire autant d’alcool », poursuit en effet le chercheur.

Après avoir isolé les bactéries suspectes, les chercheurs ont entrepris d’examiner les compositions intestinales de 43 sujets souffrants aussi de NAFLD. Il est alors ressorti qu’environ 60 % de ces patients étaient effectivement porteurs de ces bactéries. Seuls 6 % des sujets d’un groupe témoin sains présentaient ces mêmes souches.

Des bactéries intestinales peuvent endommager le foie en transformant les glucides en alcool. Crédits : Pixabay

Même constat chez la souris

D’autres expériences menées chez la souris ont également confirmé ces résultats. Après avoir intégré les deux souches bactériennes dans l’estomac des rongeurs, ces derniers ont effectivement développé la maladie. La même chose s’est produite lorsqu’ils ont remplacé les bactéries intestinales naturelles de souris non affectées par des bactéries intestinales provenant de ces premières souris, via une greffe fécale.

Les coupables semblent donc a priori toutes trouvées. Des recherches supplémentaires permettront (ou non) de le confirmer. Il sera également important d’étudier les facteurs permettant à ces souches bactériennes de s’installer dans nos intestins. « Il est probable que ces bactéries pénètrent dans le corps des gens via certains transporteurs de l’environnement, telles que la nourriture, propose Di Liu, co-auteur de l’étude. Certaines personnes pourraient également avoir un environnement intestinal plus propice à la croissance et à la colonisation de ces bactéries que d’autres en raison de leur génétique ».

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