Voici les impacts catastrophiques qu’aurait une guerre nuclĂ©aire sur le climat

guerre nucléaire
Crédits : Wikimedia Commons.

Une étude publiée dans la revue scientifique Journal of Geophysical Research : Atmospheres évalue la manière dont une guerre nucléaire de grande échelle affecterait le climat global. Les résultats confirment, prolongent et affinent ceux obtenus par des travaux précédents. Autrement dit, l’apparition d’un redoutable hiver nucléaire qui s’étalerait sur une dizaine d’années. 

Depuis les premières simulations remontant aux années 1980, les climatologues savent qu’un conflit nucléaire de grande ampleur s’accompagnerait d’une perturbation catastrophique du climat global : le fameux hiver nucléaire. Ainsi, même les pays non impliqués dans la guerre seraient durement touchés – famine, maladie, etc. Des impacts collatéraux critiques qui s’ajouteraient aux ravages directement liés au conflit.

Guerre nucléaire totale et climat : une nouvelle évaluation

Dans une étude parue le 23 juillet 2019, des chercheurs ont traité la question en se concentrant sur un scénario pessimiste. Le conflit opposerait les États-Unis à la Russie et tout l’armement disponible serait utilisé. La guerre démarre arbitrairement un 15 mai. Le but de l’étude est de prolonger et d’affiner les résultats obtenus par un ancien modèle. Il n’existe en effet qu’une seule simulation numérique complète dédiée à ce scénario du pire – elle date de 2007. Le modèle utilisé ici est notablement plus sophistiqué et permet de résoudre des phénomènes de plus fine échelle.

feux fumée
Panaches de carbone noir dus aux incendies de barils de pétrole au Koweït durant la guerre du Golfe en février 1991. Crédits : earthobservatory.nasa.gov

Le conflit nuclĂ©aire est prescrit dans le modèle comme une injection brutale de 150 tĂ©ragrammes de carbone noir dans la haute atmosphère – libĂ©rĂ©s selon une fonction linĂ©aire dĂ©croissante sur une semaine. Ces Ă©normes quantitĂ©s d’aĂ©rosols concrĂ©tisent l’élĂ©vation des panaches de fumĂ©e rĂ©sultant des vastes incendies de forĂŞts et des centres urbains qui seraient ravagĂ©s par les bombardements. Les sources sont exclusivement localisĂ©es sur les deux pays susmentionnĂ©s.

Formation rapide d’un écran de fumée planétaire

Les particules de fumée atteignent rapidement la stratosphère. Sous l’effet des vents, un voile hémisphérique puis planétaire se forme en l’espace d’une dizaine de jours seulement. Il diminue fortement la quantité de rayonnement solaire arrivant près du sol : la pénombre s’installe. En effet, les aérosols de carbone noir formant le voile d’altitude absorbent une grande partie de l’énergie incidente.

Au cours des 6 premiers mois, l’astre n’éclaire la surface qu’à hauteur de 30 % Ă  40 % de la quantitĂ© usuelle. Il faut attendre 10 ans pour que le rayonnement revienne Ă  sa valeur habituelle – suite Ă  l’évacuation progressive des poussières de la stratosphère.

Refroidissement brutal en surface

Ainsi que le révèle le graphique ci-dessous, la température moyenne du globe subit un réel crash. En effet, un an après la guerre, celle-ci a chuté de quasiment 10 °C. Une baisse d’autant plus forte au-dessus des continents de l’hémisphère nord en été. Sur de vastes étendues, la température moyenne sur juin-juillet-août s’abaisse 20 °C à 30 °C sous la norme (voir cartographie plus bas).

température globale guerre nucléaire
Anomalie de tempĂ©rature planĂ©taire suite au conflit fixĂ© au 15 mai – i.e. le trait vertical en pointillĂ©s. La courbe en bleu correspond Ă  l’ancien modèle et celle en rouge au nouveau. Les annĂ©es sont prĂ©sentĂ©es en abscisse. CrĂ©dits : Coupe & al. 2019

Dans la majeure partie des latitudes tempérées, la température minimale journalière ne passe presque jamais au-dessus du 0 °C pendant les 2 à 3 ans qui suivent le conflit.

On note par ailleurs que la remontée des températures est assez lente et que même 10 après la guerre, on ne retrouve pas les valeurs initiales. En cause, l’inertie de l’océan et les surfaces englacées qui auront eu le temps de gagner du terrain. Ainsi, une fois les fumées dissipées, le système climatique paraît s’être équilibré sur un nouvel état stable plus froid de 0,5 °C à 1 °C au global.

anomalie température map
Anomalie de tempĂ©rature l’hiver suivant la guerre (en haut) et le second Ă©tĂ© après la guerre (en bas). Les anomalies sont moyennĂ©es sur trois mois – dĂ©cembre-janvier-fĂ©vrier et juin-juillet-aoĂ»t respectivement. La ligne en rouge dĂ©limite la zone au nord de laquelle la tempĂ©rature moyenne est sous le seuil du gel. CrĂ©dits : Coupe & al. 2019.

Destruction de la couche d’ozone et assèchement global

Dans la stratosphère, la situation est totalement opposée en raison de l’absorption de l’énergie solaire par les aérosols. La température s’envole de plus de 100 °C au-dessus de la norme les années post-injection. Une conséquence désastreuse pour la couche d’ozone. De fait, la quantité de rayons UV arrivant au sol à mesure que les particules s’évacuent est supérieure au seuil de risque.

Quant aux prĂ©cipitations, elles diminuent de 40 % Ă  50 % – atteignant un dĂ©ficit de près de 60 % en moyenne planĂ©taire au cours de la troisième annĂ©e suivant le conflit. La rĂ©partition gĂ©ographique est telle que les rares zones Ă  devenir plus humides sont les dĂ©serts.

anomalie précipitation guerre nucléaire
Anomalie planétaire de précipitation en % par rapport à la norme. Le graphique se lit comme le précédent. Crédits : Coupe & al. 2019.

Guerre nucléaire de grande échelle : un acte suicidaire

En somme, la guerre dĂ©clencherait un refroidissement et un assèchement global catastrophiques. AjoutĂ© Ă  la baisse drastique de la luminositĂ©, il en rĂ©sulterait un effondrement gĂ©nĂ©ralisĂ© des rĂ©coltes et une famine globale – le tout dans un environnement largement dĂ©vastĂ©. La gĂ©nĂ©ralisation de certaines pathologies est Ă©galement très probable. De tels facteurs risquent d’entretenir des conflits.

Au final, les résultats présentés confirment et prolongent ceux publiés en 2007, obtenus avec un modèle moins performant.

Les auteurs concluent leur étude en indiquant « qu’une attaque nucléaire à grande échelle serait suicidaire pour le pays qui décide de la mener. Pour éliminer complètement le risque d’une catastrophe environnementale résultant d’une guerre nucléaire de grande échelle, les décideurs doivent avoir une compréhension complète des conséquences climatiques et agir en conséquence ». On pense notamment à la réduction des arsenaux nucléaires et – éventuellement – à leur démantèlement.

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