Voici comment la température de l’océan varie depuis 700 000 ans

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Crédits : NASA/EOS.

Des chercheurs de l’Université de Berne (Suisse) ont pu déterminer la température moyenne de l’océan mondial au moment des extremums glaciaires et interglaciaires des 700 000 dernières années. Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Climate of the Past ce 14 avril. 

Volcanisme, fluctuations de l’ensoleillement, gaz à effet de serre… Indépendamment de son origine, tout changement climatique résulte d’une perturbation du bilan radiatif de la planète. Autrement dit, d’un déséquilibre entre l’énergie qui entre dans le système considéré et celle qui s’en échappe. Or, plus de 90 % de la variation résultante de chaleur a lieu dans l’océan. Sa masse et sa capacité calorifique particulièrement élevées lui permettant de jouer le rôle de thermostat et, ainsi, de tempérer l’amplitude des évolutions.

Pour ces raisons, les fluctuations de la température de l’océan global constituent un paramètre privilégié pour l’étude et le suivi de l’évolution du climat. Toutefois, si l’on dispose de mesures précises depuis une cinquantaine d’années, il en va différemment des périodes climatiques du passé. On connaît par exemple très mal les détails de ces températures à l’échelle des cycles glaciaires-interglaciaires où peu d’informations directes sont disponibles.

Reconstruire la température de l’océan mondial

Néanmoins, grâce aux travaux d’une équipe de chercheurs de l’OCCR, il a été possible de reconstituer les variations de la température moyenne de l’océan au cours des 700 000 dernières années. Comment les scientifiques s’y sont-ils pris ? La réponse tient aux gaz nobles que contiennent les bulles d’air emprisonnées dans les glaces antarctiques, les mêmes qui permettent de restituer le niveau de CO2 atmosphérique depuis 800 000 ans. Une différence de taille cependant : la présente analyse, limitée aux extremums glaciaires et interglaciaires, a nécessité un socle technique bien plus important.

« Les prérequis pour cette méthode sont des mesures de haute précision à l’aide d’un spectromètre de masse dynamique qui ont été rendues possibles grâce aux efforts considérables de plusieurs doctorants et chercheurs postdoctoraux impliqués dans la publication » rapporte Hubertus Fischer, un des coauteurs du papier.

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Haut : température moyenne de l’océan depuis 700 000 ans (en anomalies par rapport à l’Holocène, l’interglaciaire actuel). Milieu : concentration en CO2 atmosphérique. Bas : température locale en Antarctique. Enfin, les barres rosées signalent les périodes interglaciaires. Différents jeux de données apparaissent sur ce diagramme. Crédits : Marcel Haeberli & al. 2021.

Comme la fraction de gaz nobles – argon, krypton, xénon – dissoute dans l’eau de mer dépend de sa température, leur concentration dans l’atmosphère en dépendra aussi. Par conséquent, il est possible de les utiliser comme indicateurs des fluctuations thermiques du passé (notamment via l’étude de leur rapport à l’azote moléculaire). En outre, ces gaz ont la propriété d’être extrêmement bien mélangés à l’échelle du globe. « Nous n’avons besoin que d’un seul échantillon de glace polaire pour mesurer la température moyenne des océans » relate ainsi Hubertus Fischer. Le cas échéant, c’est la carotte de glace prélevée au dôme C lors du projet EPICA qui a été utilisée.

Un passé climatique de moins en moins flou

Les données obtenues par les chercheurs signent une compréhension toujours plus fine des changements climatiques passés. D’une précision de quelques dixièmes de degré, elles montrent que les périodes glaciaires étaient quelque 3,3 °C sous le niveau préindustriel en termes de température moyenne à la surface de l’océan. Une valeur qui a finalement peu changé au fil des sept oscillations que restitue l’intervalle d’étude. A contrario, les interglaciaires apparaissent plus différenciés. Ceux survenus avant 450 000 ans sont par exemple plus froids d’environ 1 °C que l’interglaciaire dans lequel nous évoluons depuis 10 000 ans.

On peut également noter la variabilité qui rythme l’alternance entre les pics et creux principaux. Il s’agit pour une large part d’une marque de la circulation océanique, laquelle accélère ou ralentit en fonction des changements – souvent abruptes – que subissent les calottes glaciaires. Le stockage de chaleur, donc la fraction de gaz nobles dissoute dans l’eau, s’en trouve en effet modifié. « Pour comprendre comment le bilan thermique du système climatique évolue, nous devons avant tout comprendre l’océan » souligne le coauteur.

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