Le stress chronique favorise la propagation du cancer : voici comment

Cancer du poumon tumeurs
Crédits : Peterschreiber.Media/iStock

Anxiété chronique, dépression, burn-out, alcoolisme, maladies cardiovasculaires (hypertension, augmentation du risque de contracter un infarctus du myocarde, etc.)… Que le stress puisse être mauvais pour notre santé et avoir des conséquences potentiellement graves n’est en soi ni une surprise ni une nouveauté. Toutefois, une étude nouvellement parue suggère que les effets du stress chronique (induit par une exposition répétée et prolongée à des situations stressantes) pourraient être plus insidieux qu’on ne le croyait initialement. Avec plus 433 136 nouveaux cas de cancer diagnostiqués en France, ces recherches qui éclairent sur les processus à l’œuvre lors de la propagation du cancer et explorent des pistes pour enrayer le phénomène lorsque l’angoisse s’en mêle ne manquent pas de susciter l’espoir.

Lorsque l’on envisage la lutte contre le cancer, la recherche de traitements efficaces pour l’endiguer et d’outils de diagnostic pour permettre une prise en charge précoce nous vient naturellement immédiatement en tête. Toutefois, une meilleure compréhension de la manière dont cette maladie se propage est tout aussi essentielle. C’est d’ailleurs sur ce point que des scientifiques du Cold Spring Harbor Laboratory Cancer Center se sont concentrés au cours de leur étude publiée ce jeudi 22 février dans la revue Science Direct.

Le stress chronique en lien étroit avec la propagation du cancer

Dans leur article, les chercheurs s’intéressent plus précisément aux effets du stress chronique. Ainsi qu’ils le rappellent en préambule de leurs recherches, il est en effet « associé à un risque accru de métastases et à une faible survie chez les patients atteints de cancer, mais les raisons ne sont pas claires ». Pour mieux comprendre, ils ont décidé d’étudier des souris atteintes d’un cancer du poumon. Après une élimination préalable des tumeurs, ils ont soumis ces rongeurs à des situations stressantes. Dans un communiqué, Mikala Egeblad, une professeur adjointe qui a participé à l’étude explique que « l’équipe a constaté cette augmentation effrayante des lésions métastatiques chez ces animaux. Les métastases ont été multipliées par quatre ».

Comment expliquer cette augmentation ?

En continuant leurs recherches, ils ont conclu que les glucocorticoïdes (les hormones du stress) agissent directement sur les polynucléaires neutrophiles, des globules blancs qui interviennent activement dans l’immunité de l’organisme. Sous l’effet du stress, ces neutrophiles forment alors des structures collantes en forme de toile : les NETs (neutrophil extracellular traps ou pièges extracellulaires à neutrophiles en français). Ces derniers vont alors piéger les neutrophiles et rendre les tissus corporels plus sensibles aux métastases. Pour confirmer leurs résultats, ils ont toutefois mené trois tests complémentaires : le premier en éliminant les neutrophiles avec des anticorps, le second en utilisant un traitement pour éliminer les TNE et le troisième portant sur des souris dont les globules blancs ne répondaient pas au stress. Tous trois ont permis de conclure que les souris ne développent dans ce cas plus de métastases.

stress chronique cancer et métastases
Comme le montrent ces images, le cancer se propage plus agressivement et rapidement chez les souris stressées (colonne du milieu) que dans le groupe contrôle (à gauche) ou chez les rongeurs stressés traités avec une enzyme ayant permis la réduction de métastases provoquées par le stress où les cellules cancéreuses se diffusaient également moins (à droite). Crédits : Mikala Egeblad, Xue-Yan He, Linda Van et coll./CSHL Cancer Center/ Science Direct, 2024.

Les chercheurs alertent par ailleurs sur un autre point : « nos données montrent que les glucocorticoïdes libérés lors d’un stress chronique provoquent la formation de TNE et établissent un microenvironnement favorisant les métastases ». Plus simplement dit, cela signifie qu’avant même l’apparition du cancer, le stress chronique prépare presque vos tissus au cancer” en favorisant l’apparition de métastases.

Des pistes pour traiter la maladie

Ce n’est certes pas la première fois que le stress est évoqué en lien avec le cancer. Comme le rappelle la Société canadienne du Cancer, « la recherche n’a pas démontré l’existence formelle d’un lien de cause à effet entre le stress et le cancer » pour l’instant. Toutefois, des liens indirects et préexistants avaient déjà été faits, montrant notamment que cela a un effet nocif sur les systèmes cardiovasculaire, gastro-intestinal et immunitaire, notamment en affaiblissant le système immunitaire, ou en provoquant un déséquilibre hormonal qui peut là encore accroître le risque de développer un cancer. En situation de nervosité accrue, de nombreux individus adoptent en outre une hygiène de vie moins saine (alcool, tabac, alimentation malsaine, etc.). Or, tout cela peut aussi avoir une incidence sur les risques de cancer.

Néanmoins, la présente étude apporte un élément concret étayant l’importance de lutter contre le stress pour prévenir et traiter efficacement le cancer. Les scientifiques estiment à ce titre que la réduction du stress devrait faire partie à part entière de la prise en charge des malades. Ces travaux ouvrent également la voie à un futur traitement qui viserait à empêcher la formation des NETs, ce qui permettrait ainsi de ralentir la propagation du cancer chez les patients avant que celui-ci ne métastase.