Pour Steve Blank, des Universités de Stanford et de Columbia, SpaceX et d’autres innovants doivent fonctionner avec des règles différentes : celles de l’innovation. Règles que la FAA ne comprend plus. Aussi, l’agence devrait être déchargée de la surveillance de ces programmes pour se concentrer sur leurs fonctions de base : assurer la sécurité des avions commerciaux et de l’espace aérien.
La Federal Aviation Administration (FAA) supervisera l’enquête visant à déterminer les causes du récent crash du prototype SN9 de SpaceX. L’objectif sera d’identifier la cause profonde de l’accident, et de sécuriser davantage le programme de test du Starship qui vient d’essuyer sa deuxième explosion.
Cette annonce fait suite à un rapport de la FAA rapportant que SpaceX avait violé les règlements de sécurité fédéraux pendant le processus d’autorisation du vol SN8 en décembre dernier. Concrètement, la société avait demandé une dérogation pour dépasser le risque public maximal autorisé par la réglementation fédérale en matière de sécurité. Toutefois, alors que la FAA avait refusé la demande, SpaceX avait tout de même procédé au vol.
Sur le papier, les intentions de la FAA paraissent tout à fait louables, mais tout le monde n’est pas forcément de cet avis. Dans un récent papier publié sur Spacenews, le professeur à l’Université de Stanford et spécialiste de l’innovation à l’Université de Columbia, Steve Blank, n’a pas mâché ses mots sur l’agence fédérale.
Dans l’innovation, l’échec fait partie du processus
« Alors qu’à première vue, la querelle FAA/SpaceX sur le développement rapide de leur fusée pourrait être considérée comme une simple affaire impliquant un riche entrepreneur enfreignant les règles et une agence fédérale essayant de protéger le public, il s’agit en fait d’un exemple d’organisation gouvernementale – le FAA – incapable de faire la distinction entre innovation et exécution », souligne le chercheur.
Toujours d’après lui, la FAA dresse des obstacles inutiles sur le chemin d’une entreprise qui, qu’on le veuille ou non, a révolutionné l’industrie de l’aérospatial, en rendant l’accès à l’espace moins cher, et donc plus accessible.
«Dans l’innovation, l’échec fait partie du processus. Les fusées d’essai explosent. Si vous ne repoussez pas les frontières et n’isolez pas les limites de votre conception, vous n’innovez pas assez, ni assez vite», poursuit le chercheur. « Il va sans dire que vous vous efforcez de minimiser les pertes en vies humaines et en biens, mais les règles régissant les programmes d’innovation devraient reconnaître un besoin accru de rapidité. Le gouvernement américain a apprécié cela lors du développement de fusées et d’avions expérimentaux dans les années 1950 et 1960».
Le chercheur est également revenu sur les catastrophes aériennes de boeing essuyées en octobre 2018 et mars 2019, qui ont entraîné l’immobilisation du 737 MAX pendant plusieurs mois, plongeant au passage l’avionneur américain dans la période la plus turbulente de son histoire. Les enquêtes de la Chambre et du Sénat sur ces échecs avaient alors souligné des lacunes dans la surveillance de la sécurité aérienne et un manque de leadership à la FAA.
Autrement dit, l’agence avait échoué à exécuter sa mission de base – fournir le système aérospatial le plus sûr et le plus efficace au monde.

Besoin de nouvelles règles
Pour Steve Blanck, la FAA panse encore ses blessures, et devrait davantage se concentrer sur la sécurité des compagnies aériennes commerciales, plutôt que de s’engager dans le théâtre politique en signalant sa préoccupation pour la sécurité publique dans le cadre des essais du Starship.
«SpaceX et d’autres innovants doivent fonctionner avec des règles différentes – celles de l’innovation», explique-t-il. «Des règles que nous avons su appliquer lorsque nous avons développé des fusées et des avions expérimentaux dans les années 50 et 60. Règles que la FAA ne comprend tout simplement plus».
Aussi la Maison-Blanche devrait intervenir et décharger la FAA de la surveillance des programmes d’innovation et d’expérimentation pour se concentrer sur la réparation de leurs fonctions de base : assurer la sécurité des avions commerciaux et de l’espace aérien. «Et peut-être qu’un nouvel administrateur accrochera dans son couloir les photos des 346 personnes tuées (dans les deux accidents du 737 MAX, ndlr), pour leur rappeler ce qui s’est passé lorsque la FAA n’a pas fait son travail».