Le rover Perseverance vient de poser le premier de ces tubes d’échantillons « de secours » au sol. Ce dernier ne sera prélevé dans quelques années avec un giravion dédié qu’en cas de problème avec le rover. À la publication de la photo révélant le résultat de la manœuvre, beaucoup ont comparé le tube avec un sabre laser Jedi de l’univers Star Wars. En réalité, la conception de ces contenants a naturellement été davantage inspirée par l’ingénierie que par la science-fiction. Voici quelques détails à retenir.
Le principal objectif de Perseverance est de collecter plusieurs dizaines d’échantillons de roches et de terre martiennes dans un ancien delta fluvial à l’intérieur desquels se cachent peut-être des signes de vie. Pour le savoir, une mission ultérieure se chargera de rapporter ces échantillons sur Terre au début des années 2030. Le rover lui-même devra alors remettre ces tubes à l’intérieur de la petite fusée qui se chargera de les placer en orbite. Entre-temps, les tubes échantillons auront été conservés bien au chaud à l’intérieur du rover.
Cependant, il est possible que le rover ne soit plus capable d’assurer ses fonctions dans quelques années. Si tel est le cas, la NASA ne veut pas perdre la chance de pouvoir analyser les échantillons. C’est pourquoi l’agence enverra également deux petits giravions au cours de cette prochaine mission. Ces derniers seront déployés en cas problème avec le rover, d’où l’intérêt de déposer quelques tubes au sol. De cette manière, ils pourront quand même être récupérés pour être remis à l’atterrisseur.
Le premier de ces échantillons « de secours » a été déposé au sol le 21 décembre dernier. Certains, en observant la photo de ce tube niché sous le ventre du rover, ont souligné une vague ressemblance avec un sabre laser. Pourquoi une telle forme ?
Défi d’ingénierie
L’un des principaux défis pour les ingénieurs était de s’assurer que ces échantillons soient intacts à leur arrivée sur Terre. Les tubes (43 au total) devaient être suffisamment légers et robustes pour survivre aux exigences d’un tel aller-retour.
Ce n’est pas la première fois que la NASA doit faire face à ce type de défi. Il y a une cinquantaine d’années, les missions Apollo avaient également rapporté sur Terre des dizaines de kilos d’échantillons lunaires. Seulement, à l’époque, les caisses de roches n’avaient besoin de maintenir leur cargaison « vierge » que pendant quelques jours avant d’être transférées en laboratoire. Ici, les tubes de Perseverance devront préserver la valeur scientifique de leur contenu pendant plus de dix ans.
Chacun de ces tubes mesure un peu moins de 15,2 centimètres de long (beaucoup plus petits que les sabres laser) et pèse moins de 57 grammes.
La partir dorée de ces tubes (visible ci-dessous) est du nitrure de titane, tandis que la partie argentée sur la plus petite extrémité est faite en titane. Un revêtement extérieur en alumine blanche permet également de lutter contre l’échauffement solaire. Sans ce revêtement, le Soleil pourrait modifier accidentellement la composition chimique de l’échantillon.
L’extrémité effilée est un joint hermétique pour protéger l’échantillon de l’atmosphère martienne. Enfin, la « poignée » est un boîtier à l’intérieur duquel se trouve le piston et les ressorts permettant de maintenir l’échantillon en place à l’intérieur du tube.
Extrême propreté
Ces échantillons doivent également être suffisamment « propres » et hermétique pour que les chercheurs soient certains d’analyser du contenu 100 % martien au début de la prochaine décennie.
« Comparée à Mars, notre planète est recouverte de vie « , expliquait en 2020 Ken Farley, du projet Mars 2020 à Caltech (Pasadena). « Nous devions éliminer toutes ces traces de manière à ce que toute preuve restante puisse être détectée et différenciée en toute confiance lorsque ces premiers échantillons seront retournés ».
Les tubes sont donc le produit de normes de propreté extrêmes qui ont pour but d’empêcher l’introduction de matières organiques, inorganiques et biologiques terrestres. Les chercheurs ont donc dû limiter la quantité totale de composés terrestres dans un échantillon donné à moins de 150 nanogrammes. Pour un ensemble de composés organiques particuliers, ils se sont limités à moins de quinze nanogrammes. À titre d’information, un nanogramme est un milliardième de gramme.
Pour répondre à ces exigences, les ingénieurs ont effectué tout leur assemblage dans une hyper-salle blanche qui est grossièrement une salle blanche à l’intérieur d’une salle blanche. Entre chaque étape d’assemblage, les tubes d’échantillons étaient nettoyés avec des jets d’air filtré, rincés à l’eau désionisée, puis nettoyés par ultrasons avec de l’acétone, de l’alcool isopropylique et d’autres agents de nettoyage exotiques.
Ainsi, tout a été pensé pour que rien n’empêche les chercheurs d’analyser ces échantillons dès leur arrivée sur Terre. En attendant, Perseverance poursuit sa mission dans le cratère Jezero, dont le paysage ressemble étrangement à celui de Tatooine. Espérons simplement que le rover ne se heurte pas aux Tuskens en cours de route.