Comme chaque printemps, le Japon s’est récemment magnifié des couleurs si symboliques des fleurs de cerisier. Un spectacle offert par la nature et dont la saison en cours nous rappelle qu’il porte également en lui un message assurément plus sombre.
La floraison annuelle des cerisiers occupe une place importante dans la culture japonaise. Nommée sakura, ce déploiement spectaculaire de fleurs aux tons roses et blancs attire également de nombreux visiteurs venus du monde entier. En effet, diverses festivités s’organisent dans le pays en vue de contempler et d’apprécier la nature. Cette tradition ancestrale appelée hanami symbolise l’arrivée du printemps et remonte au moins à l’an 812. Depuis lors, les dates de floraison ont commencé à être consignées dans des registres.
Or, il se trouve que cette année les arbres ont atteint la pleine floraison avec une précocité inégalée. Dans la ville de Kyoto, le phénomène a culminé le 26 mars dernier. Une date record en plus de 1200 ans de données, la précédente remontant à 1409 où les archives de la cour impériale ont fait état d’une floraison le 27 mars. De plus, contrairement à l’étonnante précocité observée en 1409, celle de 2021 ne constitue pas un évènement isolé. Elle s’inscrit dans une tendance cohérente avec une arrivée toujours plus précoce des conditions printanières.
Les fleurs de cerisier, un indicateur de l’évolution du climat
Alors qu’à Kyoto la date moyenne de pleine floraison des cerisiers se situait historiquement autour du 17 avril, elle s’est avancée jusqu’au 5 avril au cours du siècle dernier. Un déploiement de fleurs de plus en plus précoce que les scientifiques relient au réchauffement climatique et à l’augmentation de l’urbanisation. À cet égard, les tendances sont généralisables à l’ensemble des espèces de cerisiers du pays. En travaillant sur un groupe de 17 taxons, des chercheurs ont par exemple montré que les arbres fleurissaient en moyenne 6 jours plus tôt qu’il y a 25 ans.
« Nos études ont montré que le début de la saison des cerisiers en fleur est étroitement lié à la température moyenne en février et mars » indique Shunji Ambe, chercheur à l’agence météorologique japonaise. « Nos observations de la vie végétale montrent que les phénomènes printaniers – tels que les fleurs de cerisier et de prunier – ont tendance à se produire plus tôt, tandis que les phénomènes d’automne sont retardés ».
À Tokyo également les fleurs ont éclos très précocement, égalisant le record établit l’année dernière le 12 mars – 12 jours plus tôt que la date moyenne. Des changements qui n’ont pas seulement valeur d’indicateurs climatiques mais qui questionnent aussi la bonne tenue des traditions. En effet, avec une poursuite de la hausse des températures au rythme actuel, les fleurs de cerisier devraient commencer à chuter avant même le début des festivités de printemps. Un inquiétant message que nous livre la nature à travers la paradoxale beauté des fleurs de cerisier.