En mars 2019, des biologistes marins naviguant au sud-ouest de l’Australie sont tombés sur un spectacle étonnant : un groupe d’orques attaquant vicieusement une baleine bleue. C’est la première fois qu’une telle confrontation est rapportée dans la littérature scientifique.
Une attaque surprenante
Plus d’une douzaine d’orques entouraient le puissant animal au large de la baie de Bremer. La baleine, incapable d’échapper à ses agresseurs, avait déjà perdu sa nageoire dorsale. L’eau était rouge sang, tandis que des morceaux de chair flottaient tout autour. Il fallut une heure aux orques pour en venir à bout. Dès lors, cinquante autres orques se sont présentées pour dévorer la carcasse.
Les orques sont connues pour leurs interactions parfois virulentes avec d’autres animaux, et notamment les baleines à bosse. Toutefois, elles s’attaquent généralement aux petits, et non aux adultes. Se frotter à une baleine bleue, le plus gros animal vivant à notre époque et dans l’état actuel des connaissances, n’est donc pas une mince affaire.
Cette attaque, enregistrée en mars 2019, met fin à un débat de longue date parmi les scientifiques sur la question de savoir si les orques pourraient ou non rivaliser avec le rorqual bleu adulte. Des preuves anecdotiques suggérant que les orques en étaient capables existaient depuis longtemps. En revanche, c’est ici la première fois que ce genre d’interaction est observé directement.
Un groupe d’orques abattant une baleine bleue est « le plus grand événement de prédation sur Terre, peut-être le plus grand depuis la fin de l’ère des dinosaures« , a déclaré Robert Pitman, écologiste marin à l’Oregon State University.
Un rorqual pygmé
Les baleines bleues peuvent mesurer jusqu’à 33 mètres de long, mais l’animal attaqué ici ne mesurait qu’une vingtaine de mètres. D’après les biologistes, il s’agissait probablement d’un rorqual bleu pygmée adulte, une sous-espèce génétiquement similaire au plus massif des rorquals bleus, mais en « version légèrement plus petite« .
« Je pense qu’un rorqual bleu pygmée adulte pourrait être confondu avec une baleine bleue ordinaire pas tout à fait mature« , résume au Times Erich Hoyt, de la Whale and Dolphin Conservation. D’après lui, le fait que ces orques aient pu chasser avec succès cet animal est une preuve solide que ces prédatrices peuvent également s’attaquer aux baleines bleues les plus massives.
Depuis cet événement, deux autres attaques impliquant cette fois deux baleines bleues juvéniles ont été documentées en 2020 et 2021. Dans ces deux cas, plus d’une douzaine d’orques se sont coordonnées pour mener leur assaut.
Une telle prédation pourrait également être un signe positif pour la santé de ces géants dans la région. L’industrie baleinière avait en effet failli conduire les rorquals bleus à l’extinction il y a quelques décennies. Le fait qu’il en existe maintenant suffisamment pour être la proie des orques laisse donc présager une croissance démographique.