On pensait que le poisson d’aquarium le plus ancien du monde, un poisson-poumon connu sous le nom biblique de Mathusalem, avait environ 84 ans. Une récente étude centrée sur la méthylation de son ADN suggère qu’il pourrait être beaucoup plus âgé.
Un record de longévité
Mathusalem est une femelle de l’espèce Neoceratodus forsteri, également connue sous le nom de poisson-poumon australien. Comme son nom l’indique, cette espèce est capable de respirer de l’air atmosphérique en plus de l’oxygène dissous dans l’eau, ce qui lui permet de survivre dans des conditions aquatiques difficiles, notamment en cas de sécheresse lorsque l’eau devient rare.
Ces poissons sont également considérés par les chercheurs comme des « fossiles vivants », car ils sont restés relativement inchangés depuis des millions d’années. Pour information, le plus ancien fossile du genre Neoceratodus remonterait à environ 380 millions d’années, ce qui nous ramène à la période dévonienne.
En ce qui concerne Mathusalem, l’animal a été capturé en Australie en 1938 avant d’être gardé en captivité au Jardin zoologique de San Francisco. Le personnel de l’aquarium n’a jamais été sûr de son âge, mais jusqu’à présent, l’hypothèse favorisée estimée que la femelle avait 84 ans, ce qui en fait le plus vieux poisson connu en captivité.
Plus récemment, des chercheurs ont cependant décidé de déterminer son âge plus précisément au moyen d’une technique connue sous le nom d’horloge épigénétique.
De 92 à 101 ans
Concrètement, cette méthode permet d’estimer l’âge d’un organisme en tenant compte des modifications moléculaires qui se produisent dans l’ADN au fil du temps.
Dans un premier temps, les chercheurs collectent des échantillons d’ADN de l’organisme concerné, ainsi que d’autres individus de la même espèce pour lesquels l’âge est connu ou estimé. Ils analysent ensuite la méthylation de l’ADN, c’est-à-dire le processus par lequel des groupes méthyle sont ajoutés à l’ADN. Notez que la méthylation de l’ADN est un marqueur épigénétique qui peut changer au fil du temps en réponse à divers facteurs environnementaux et biologiques.
En étudiant la quantité de méthylation dans l’ADN de l’organisme concerné, les chercheurs peuvent alors estimer depuis combien de temps ces modifications épigénétiques se sont accumulées. Cette estimation est ensuite utilisée pour déterminer l’âge de l’organisme.
Ici, en l’occurrence, les résultats suggèrent que Mathusalem a très probablement 92 ans. Cependant, le niveau d’incertitude de ce type d’expérience signifie qu’elle pourrait aussi avoir jusqu’à 101 ans.
Ces travaux pourraient également aider à sauver l’espèce. Les poumons australiens sont en effet menacés par les projets de construction humaine, tels que les barrages, qui modifient les contours de leur habitat naturel. Ils sont actuellement répertoriés comme en voie de disparition par l’UICN.
Or, le fait de connaître avec précision l’âge des poissons dans une population, y compris l’âge maximum, peut être vital pour leur gestion. Ce type d’information permet en effet d’estimer combien de temps une espèce peut survivre et se reproduire dans la nature, ce qui est essentiel pour modéliser la viabilité de la population et son potentiel de reproduction.