L’invasion de l’Ukraine par la Russie a déclenché une condamnation mondiale et des sanctions sévères visant à toucher l’économie de Moscou. Pourtant, selon une nouvelle analyse, les revenus du pays provenant des combustibles fossiles, de loin la plus grande part du gâteau, ont atteint des records au cours des cent premiers jours de sa guerre contre l’Ukraine. Comment l’expliquer ?
Au cours des cent premiers jours de sa guerre menée en Ukraine, la Russie aurait encaissé un record de 93 milliards d’euros de revenus provenant des exportations de pétrole, de gaz et de charbon, selon de nouvelles données analysées par le Centre for Research on Energy and Clean Air, basé en Finlande. Environ les deux tiers de ces revenus provenaient du pétrole. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les revenus du pétrole et du gaz représentaient déjà à eux seuls 45% du budget fédéral russe en 2021.
Flambée des prix
Les exportations de combustibles fossiles de la Russie ont bien commencé à baisser en volume depuis le début de la guerre, alors que plusieurs pays occidentaux limitent leurs échanges avec Moscou. Cependant, la flambée des prix a fait plus que compenser les effets de cette baisse. Les prix à l’exportation des combustibles fossiles de la Russie ont en effet été supérieurs d’environ 60 % à ceux de l’année dernière en moyenne, et ce, même en tenant compte du fait que le pétrole russe se vend environ 30 % en dessous des prix du marché international.
L’Europe a en particulier du mal à couper les ponts, malgré la prise de position de nombreux pays en faveur de l’Ukraine. L’Union européenne (UE) a bien réduit ses importations de gaz de 23 % au cours des cent premiers jours de l’invasion par rapport à la même période il y a un an. Néanmoins, les revenus russes, et notamment ceux de Gazprom, le géant gazier, sont restés environ deux fois plus élevés à la faveur de la hausse des prix.
L’Union européenne a également réduit ses importations de pétrole (-18%). Cependant, là encore, ces pertes russes ont été compensées par les marchés indien et émirati. Autrement dit, les volumes d’exportation de pétrole de la Russie n’ont pas réellement baissé au cours de ces cent premiers jours de guerre.
Selon le Times, même les États-Unis, qui interdisent désormais toutes les importations russes de combustibles fossiles, en achètent probablement indirectement en important des produits pétroliers raffinés des Pays-Bas et d’Inde, qui contiennent très probablement du brut russe.
Dans l’ensemble, la Chine a été le plus grand importateur de combustibles fossiles russes depuis le début de la guerre devant l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas.
Les combustibles fossiles continuent de financer la guerre
Selon Lauri Myllyvirta, qui a dirigé les recherches, les revenus pétroliers russes dépassent aujourd’hui ce que le pays dépense pour sa guerre en Ukraine. Les dirigeants ukrainiens ont quant à eux de nouveau appelé les pays et entreprises à cesser complètement leurs échanges avec Moscou.
« Nous demandons au monde de faire tout son possible pour couper Poutine et sa machine de guerre de tout financement possible, mais cela prend beaucoup trop de temps« , a déclaré Oleg Ustenko, conseiller économique du président ukrainien Volodymyr Zelensky. « Les combustibles fossiles continuent de financer la guerre de la Russie. Vous pouvez arrêter d’importer du caviar russe et de la vodka russe, et c’est bien, mais certainement pas assez. Vous devez arrêter d’importer du pétrole russe ».