Une mystérieuse maladie chez les chimpanzés désormais identifiée

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Crédits : Rabenspiegel/pixabay

Des chercheurs et vétérinaires ont récemment isolé l’agent pathogène responsable des nombreux décès enregistrés depuis quinze ans chez les chimpanzés occidentaux. Néanmoins, le combat ne fait que commencer. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.

Depuis 2005, plusieurs dizaines de chimpanzés de l’Ouest ont succombé à une mystérieuse maladie dans le sanctuaire de Tacugama, en Sierra Leone. Les symptômes sont les suivants : les primates deviennent peu à peu léthargiques, manquent de coordination, sont victimes de vomissements et même de convulsions, et finissent par mourir. La situation est d’autant plus préoccupante que ces chimpanzés représentent une sous-espèce en danger critique d’extinction.

La cause de cette maladie appelée « syndrome neurologique et gastro-entérique épizootique » (ENGS) est longtemps restée mystérieuse. Des recherches, initiées par le Dr Tony Goldberg, ont donc débuté en 2016. Ces travaux, auxquels ont participé le personnel du sanctuaire, des vétérinaires et des biologistes, ont permis de faire plusieurs constats : la maladie n’est pas contagieuse, elle n’infecte pas les humains et n’apparaissait dans aucun autre sanctuaire. Autrement dit, seuls les chimpanzés de Tacugama semblent touchés.

Une bactérie responsable

Grâce à des années de recherches, les équipes ont finalement réussi à isoler la coupable après un dépistage approfondi du sang et de tissus de chimpanzés sains comparés à des échantillons malades (études génomiques et examens visuels entre autres techniques). Les chercheurs ont en effet remarqué la présence d’une bactérie dans 68% des échantillons de chimpanzés malades, mais absente chez les sujets sains. Cette nouvelle espèce vient d’être nommée Candidatus Sarcina troglodytae.

Plus surprenant, cette bactérie n’a pas seulement été isolée dans le tractus gastro-intestinal des primates infectés, mais également dans leurs organes internes, y compris le cerveau.

Bien que cette bactérie soit une espèce nouvellement identifiée, d’autres membres du genre Sarcina sont déjà connus. Ils sont en effet communs dans le sol. D’autres espèces ont également été détectées dans le microbiome humain, dont S. ventriculi par exemple, isolée dans le contenu de l’estomac de personnes souffrant de vomissements récurrents, de douleurs abdominales, de nausées et de diarrhée. En règle générale, ces patients sont traités avec des antibiotiques.

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Tony Goldberg, équipé d’un filtre pour piéger les microbes, échantillonne l’eau d’un ruisseau près du sanctuaire de Tacugama en 2019. Crédit : Tony Goldberg

Déterminer l’origine

Le fait que cette nouvelle bactérie soit désormais identifiée est une excellente nouvelle. Toutefois, il reste encore du travail. En effet, on ne sait toujours pas comment les chimpanzés sont infectés par l’agent pathogène. Il apparaît néanmoins évident que ces bactéries pourraient vivre dans leur environnement proche, probablement dans le sol. Des travaux futurs pourront permettre, on l’espère, de retracer son origine.

En attendant, la maladie continue d’émerger. Le syndrome atteint toujours son apogée en mars, pendant la saison sèche. D’après les chercheurs, garder les chimpanzés à l’intérieur l’après-midi semble contenir un peu la maladie. Certains antibiotiques sont également plus efficaces que d’autres. Cependant, il arrive aussi que certains primates, qui semblent se porter mieux après traitement, s’éteignent subitement le lendemain malgré tout.

Une compréhension plus approfondie de cette bactérie nouvellement identifiée permettrait également d’en apprendre davantage sur le genre Sarcina qui n’a pas fait l’objet de nombreuses recherches jusqu’à présent.