Ces bactéries qui changent de forme pour éviter les antibiotiques

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Crédits : Université Carnegie Mellon

Une nouvelle étude démontre comment certaines bactéries peuvent s’adapter à une exposition à long terme aux antibiotiques en modifiant leur forme. Les travaux ont été publiés dans la revue Nature Physics.

Le problème de la résistance aux antibiotiques

Depuis plusieurs décennies, les antibiotiques permettent de sauver des millions vies en luttant contre des maladies bactériologiques. Pour autant, le combat n’est pas gagné d’avance. La nature s’adapte en effet constamment et, à force d’utiliser ce type de traitements, les bactéries ont évolué pour développer une résistance.

En conséquence, les moyens de lutte sont de moins en moins efficaces. Récemment, des chercheurs ont tiré la sonnette d’alarme, soulignant qu’une action urgente était nécessaire pour contrôler l’utilisation des antibiotiques avant qu’ils ne cessent de fonctionner complètement. À terme, l’OMS estime également que ces bactéries résistantes pourraient tuer jusqu’à dix millions de personnes d’ici 2050.

Il devient ainsi urgent de proposer de nouvelles approches capables de prévenir ces infections. Dans cet esprit, les chercheurs analysent de près les différentes stratégies déployées par les bactéries concernées. Certaines sont déjà connues, comme celle du transfert latéral de gènes, considéré comme le principal mécanisme de propagation de la résistance chez les bactéries. Une équipe dirigée par Shiladitya Banerjee, de l’Université Carnegie Mellon, décrit aujourd’hui une nouvelle capacité d’adaptation.

Des bactéries qui font le « dos rond »

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs se sont penchés sur la façon dont l’exposition aux antibiotiques pouvait affecter la croissance et la morphologie de la bactérie Caulobacter crescentus, un organisme modèle couramment utilisé. Il est ressorti de cette étude que, lorsqu’elles sont exposées à des doses non létales de chloramphénicol (un antibiotique à large spectre) sur plusieurs générations, ces bactéries peuvent « retrouver leur taux de croissance pré-stimulus et subir des changements dramatiques dans la forme des cellules », écrivent les auteurs.

Pour le dire plus simplement, ces bactéries ont commencé à radicalement changer de forme en se recourbant sur elles-mêmes (après une dizaine de générations exposées à de faibles doses d’antibiotiques). Une fois les antibiotiques éliminés, les cellules récupéraient ensuite leur forme d’origine après plusieurs générations.

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La forme de la bactérie avant (ci-dessus) et après (ci-dessous) l’exposition aux antibiotiques. Crédits : Shiladitya Banerjee

Des expériences faites sur une seule cellule, et grâce à une modélisation théorique, les chercheurs pensent que l’augmentation de la largeur cellulaire (et donc du volume) aide à diluer la quantité d’antibiotiques à l’intérieur de la bactérie, tandis que la courbe et la largeur cellulaire peuvent abaisser le rapport surface/volume, laissant passer moins d’antibiotiques à travers la surface cellulaire.

« Cette recherche est d’une grande importance pour la santé humaine. Elle stimulera probablement de nombreuses autres études moléculaires sur le rôle de la forme cellulaire sur la croissance bactérienne et la résistance aux antibiotiques  », conclut M. Banerjee.