Qu’est-ce qui détermine la limite des cellules de Hadley ?

Hadley
Crédits : NASA.

Les cellules de Hadley sont des circulations thermiques de grande échelle composées d’une région d’ascendance située près de l’équateur et d’une région de subsidence localisée dans le domaine subtropical. Nommées d’après le savant anglais George Hadley (1685-1768), elles concrétisent une redistribution de chaleur et d’humidité par le fluide atmosphérique.

Les régions où l’air monte correspondent à la zone de convergence intertropicale (ZCIT) et ses nombreux systèmes orageux. À l’opposée, là où l’air vidé de son eau replonge vers la surface, on trouve les grandes ceintures désertiques qui marquent le visage de notre planète aux environs de trente degrés de latitude nord et sud.

Le domaine géographique des circulations est donc restreint. Il possède même une limite bien définie en moyenne annuelle et zonale (selon un cercle de latitude), comme nous venons de le voir. Comment expliquer le fait que les cellules ne s’étendent pas jusqu’aux pôles et que leur frontière est précisément localisée sur Terre vers trente degrés de latitude et non pas dix ou quarante par exemple ?

Deux clés indispensables pour comprendre la cellule de Hadley

Pour bien comprendre, il faut rappeler deux aspects fondamentaux qui régissent le fonctionnement d’une cellule de Hadley : la répartition inégale de l’énergie solaire entre l’équateur et les pôles et la rotation de la planète.

cellule de Hadley
Représentation schématique des cellules de Hadley. Trade winds = alizés, ITCZ = ZCIT. Crédits : Alina Fiehn, 2017.

La différence de température entre les basses et les hautes latitudes met l’air en mouvement, car la pression diminue moins rapidement avec l’altitude dans l’air chaud que dans l’air froid. On retrouve par conséquent des pressions plus élevées à l’équateur qu’aux pôles pour une même altitude. Cette différence horizontale de pression s’accentue à mesure que l’on s’éloigne de la surface et génère un vent d’intensité maximale sous la tropopause.

Or, comme la Terre tourne, le vent initialement orienté vers le pôle est progressivement dévié vers l’est à mesure qu’il s’approche de l’axe de rotation de la Terre, donnant par là même naissance au courant-jet subtropical. Arrivé à une latitude avoisinant trente degrés, l’air est tellement dévié par la force de Coriolis qu’il circule quasi horizontalement d’ouest en est et tend même à rebrousser chemin vers l’équateur. Ce début de mouvement à contre-courant renforce le gradient de pression d’altitude aux tropiques, car la masse est transportée depuis les basses vers les hautes pressions.

Ce mécanisme se poursuit jusqu’à ce qu’un pseudo équilibre soit atteint entre le champ de vent et de pression. En altitude, on observe alors un tube de vents forts associé à des gradients de pression et de température resserrés dans le domaine subtropical. On remarquera au passage que les processus physiques responsables de cette association sont loin d’être triviaux.

De la lutte entre force de pression et force de Coriolis

Comme l’air ne peut plus progresser vers le nord en raison de la déviation de Coriolis et ne peut pas retourner vers le sud, car la force de pression l’en empêche, une importante convergence se produit à ces latitudes. L’air s’accumule, générant un excès de masse dont la trace au sol se signale par une hausse de la pression atmosphérique de 1 % à 3 %. Ce sont les anticyclones subtropicaux, comme celui des Açores ou de Sainte-Hélène, qui accompagnent les grandes ceintures de déserts et organisent les alizés sur leur flanc méridional. Les vents qui sortent des anticyclones de surface organisent, avec la convergence d’altitude, le mouvement descendant évoqué plus haut et qui ferme la boucle.

Nous ne rentrerons pas ici dans les complexités longitudinales, mais préciserons simplement qu’il existe en réalité trois cellules par hémisphère, chacune étant associée à un centre de convection tropicale et à un tronçon de jet précisément localisés.

Illustration du flux d’air à haute altitude et sa déviation par la force de Coriolis qui conduit à la formation d’une limite des cellules de Hadley vers 30 ° de latitude, nécessairement accompagnée du courant-jet subtropical. Notez les complexités supplémentaires présentées sur le schéma, comme l’hétérogénéité des structures en longitude. H = maximas de pression en altitude, localisant les centres de convection tropicale. Crédits : Anders Persson, 2002.

« Avec le chauffage et la rotation typiques de notre Terre, l’équilibre entre la force du gradient de pression dirigé vers les pôles et la force de Coriolis est établi autour de trente degrés de latitude », résume feu Anders Persson dans un article dédié paru dans la revue scientifique Weather. « Cet équilibre géostrophique [Ndlr. entre les forces de pression et de Coriolis] à grande échelle fixe également la limite polaire de la circulation de Hadley ».

Dans le cas d’une rotation terrestre plus rapide ou plus lente, la limite des cellules de Hadley se situerait respectivement à une latitude plus basse ou plus élevée. Il en va de même pour le contraste de température entre l’équateur et les pôles. Plus celui-ci est fort, plus la limite de la cellule se trouvera à des latitudes élevées, avec un jet plus intense. En fonction de la combinaison entre le taux de rotation et le contraste thermique, les influences respectives se contrecarrent plus ou moins. Cela explique pourquoi le recours à des modèles est nécessaire pour déterminer l’effet net sur la latitude où se terminent effectivement les cellules de Hadley.

Source : The Coriolis force and the subtropical jet-stream (Coriolis part 8) & Atmospheric motions, Anders Persson / Jet Streams : How Do They Affect Our Weather ? & Jet-stream meteorology,  Elmar R. Reiter.