Courants-jets polaire et subtropical : une différence plus subtile qu’il n’y paraît

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Crédits : NASA/Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio.

Dans un précédent article, nous introduisions la notion de courant-jet et les mécanismes responsables de l’existence du courant subtropical. Dans la dernière partie, nous invoquions la présence concomitante d’un jet polaire à certaines longitudes et fournissions un début d’explication sur sa genèse. Au cours des prochains paragraphes, nous continuons à approfondir cette question et traiterons de la relation entre les deux courants-jets.

Des courants-jets bien différents mais pas indépendants

En météorologie terrestre, on distingue deux types de courant-jet à grande échelle. Un courant subtropical dû au transport de moment angulaire par la cellule de Hadley, et un courant polaire situé plus au nord. Dans la littérature scientifique, on parle d’eddy-driven jet pour désigner ce dernier. Littéralement « jet piloté par les tourbillons ». Le tube de vent moyen orienté vers le nord-est dans l’Atlantique-nord – mais très variable dans l’espace et le temps – entre dans cette catégorie. Il coexiste avec un tronçon subtropical affaibli positionné plus au sud. De ce fait, le bassin est caractérisé par ce que l’on appelle un régime à double jet.

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Moyenne 1981-2010 des courants-jets durant l’hiver de l’hémisphère nord. Crédits : NOAA/ESRL.

Eddy-driven jet n’est pas une dénomination anodine. Lorsque l’on étudie des simulations en partant d’un état atmosphérique au repos, on voit que le jet polaire est formé et maintenu par les tourbillons atmosphériques – notamment les dépressions. De plus, sa structure est différente du jet subtropical au sens où les vents d’ouest s’étendent nettement vers la surface.

Il faut souligner que cette vision n’est pas très intuitive, car l’on raisonne souvent à partir d’un état où le tube de vents forts existe déjà et génère de nouveaux tourbillons. En réalité, bien que les deux éléments rétroagissent l’un sur l’autre, ce sont bien les tourbillons qui soutiennent le jet polaire. C’est pourquoi, lorsque leur intensité est progressivement diminuée dans les simulations numériques, la branche polaire s’affaiblit de plus en plus tout en se décalant vers le sud. À terme, on transite vers un régime à jet subtropical unique. Et inversement dans le cas où l’on renforce de plus en plus les tourbillons.

Transport et redistribution du mouvement dans l’atmosphère

L’explication quant à la manière dont ces derniers peuvent spontanément générer un jet n’est pas triviale. En termes simples, on peut le voir comme un transfert d’énergie cinétique – de vent – depuis les tourbillons vers l’écoulement moyen. Comme on pouvait s’y attendre, l’eddy-driven jet se confond avec le rail des dépressions – storm-track en anglais.

Par ailleurs, il n’est pas surprenant que dans le régime à double jet, le tronçon subtropical soit nettement affaibli. En effet, de l’énergie cinétique a été pompée aux basses latitudes et transportée vers le nord sous la forme d’une extension polaire.

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Illustration du jet-stream et de ses méandres à l’échelle journalière. Crédits : Capture YouTube/Carbon Brief

À l’inverse, dans le régime observé sur l’Asie de l’est et une partie du Pacifique nord, le tronçon subtropical est intense et unique. À l’échelle climatologique, on n’observe pas de double jet. Ici, le transport de moment angulaire par la cellule de Hadley est vigoureux et les tourbillons ne sont pas capables de maintenir une branche polaire. Au lieu de ça, ils participent à accentuer le tronçon subtropical. On parle de régime fusionné, car les deux mécanismes de génération de jet sont actifs à la même latitude. Il faut se déplacer vers l’est du Pacifique pour observer une esquisse de jet polaire.

Ainsi, il existe une forte dépendance longitudinale des régimes de jets – double ou unique. Elle émane en grande partie des contrastes thermodynamiques et topographiques entre océans et continents.

En conclusion, les courants-jets polaire et subtropical ne sont pas des structures indépendantes. Le tronçon polaire étant le résultat de la rupture et du déplacement méridien du tronçon subtropical. Un travail effectué par les tourbillons atmosphériques afin d’assurer la poursuite du transport de chaleur au-delà des limites de la cellule de Hadley. Un transport rendu étonnamment complexe du fait des contraintes imposées par la rotation de la Terre et le relief terrestre.

Source : Encyclopedia of atmospheric sciences, p. 594 -614, Lee et Kim, 2003.

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