Les futurs habitats martiens pourraient ĂȘtre faits de champignons

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Un chercheur tenant une boßte de Pétri contenant du mycélium. Crédits : NASA / Ames Research Center / Lynn Rothschild

Des chercheurs Ă©tudient actuellement le potentiel des champignons pour aider Ă  construire les premiers habitats martiens. Explications.

AprĂšs la Lune, plusieurs agences publiques et privĂ©es ambitionnent de s’Ă©tablir durablement sur Mars. Mais la planĂšte rouge n’est pas la Terre. Pour vivre sur place, nous allons devoir face faire Ă  de nombreux dĂ©fis. L’un d’eux sera de construire de nouveaux habitats spĂ©cialement dĂ©veloppĂ©s pour s’accorder avec les exigences martiennes. Et toutes les idĂ©es sont bonnes Ă  prendre.

En ce sens, la NASA a crĂ©Ă© il y a quelques annĂ©es le programme Innovative Advanced Concepts (NIAC). Le but : encourager le dĂ©veloppement de concepts utiles aux futures missions lointaines. Chaque Ă©quipe retenue reçoit un financement de 100 000 dollars sur un an. L’un de ces projets intĂ©resse particuliĂšrement l’agence amĂ©ricaine. L’idĂ©e : s’appuyer sur le mycĂ©lium.

Cultiver nos maisons, directement sur place

« En ce moment, les conceptions traditionnelles des futurs habitats martiens s’apparentent un peu aux carapaces de tortues. Autrement dit, on emporte nos maisons sur notre dos, explique Lynn Rothschild, responsable de ce projet. Il s’agit d’un plan fiable, mais avec des coĂ»ts Ă©nergĂ©tiques Ă©normes. Au lieu de cela, nous pouvons exploiter le mycĂ©lium pour cultiver ces habitats nous-mĂȘmes lorsque nous arriveront sur place ».

Le mycĂ©lium, c’est l’appareil vĂ©gĂ©tatif des champignons. Il se compose d’un ensemble de filaments – appelĂ©s hyphes – retrouvĂ©s gĂ©nĂ©ralement dans le sol. Il renvoie au mycĂ©lium reproducteur – appelĂ© sporophore – chargĂ© de la production et de la maturation des spores hors de terre. C’est ce sporophore que l’on appelle couramment « champignon ».

Sur le papier, l’idĂ©e serait de pouvoir transporter des structures de bases trĂšs lĂ©gĂšres sur Mars. Du mycĂ©lium en dormance serait Ă©galement invitĂ© au voyage. Une fois sur place, il suffirait de rĂ©veiller ces formes de vie avec de l’eau. En grandissant, elles viendraient alors se ramifier autour des structures prĂ©alablement installĂ©es.

« Les champignons pourront se développer autour de ce cadre en un habitat humain entiÚrement fonctionnel », ajoute la chercheuse.

Trois couches de matériaux

Ces futurs habitats pourraient ĂȘtre constituĂ©s de trois couches de matĂ©riaux. Au-dessus de la glace d’eau – dĂ©jĂ  prĂ©sente sur Mars – se formerait la couche extĂ©rieure. Cette glace permettrait de protĂ©ger les occupants humains contre les radiations nocives.

Elle fournirait Ă©galement des ressources aux minuscules organismes de la couche intermĂ©diaire – des microbes photosynthĂ©tiseurs appelĂ©s cyanobactĂ©ries. Ces crĂ©atures, de leur cĂŽtĂ©, pourraient produire de l’oxygĂšne pour les astronautes et des nutriments pour le mycĂ©lium fongique, qui constituerait alors la couche infĂ©rieure.

Les chercheurs soulignent Ă©galement que tout devra en effet ĂȘtre mis en oeuvre pour Ă©viter les risques de contamination terrestre. Une fois la structure mise en place, le mycĂ©lium pourrait alors ĂȘtre cuit, ce qui aurait pour effet de tuer le champignon. Qu’il s’agisse du mycĂ©lium ou des microbes photosynthĂ©tiseurs, tous ces organismes seraient Ă©galement gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©s pour les rendre incapables de survivre au-delĂ  de la base.

Outre les structures des habitats martiens, le mycĂ©lium pourrait Ă©galement ĂȘtre exploitĂ© pour aider Ă  filtrer l’eau Ă  boire, ou pour extraire les minĂ©raux des eaux usĂ©es. Il pourrait aussi permettre Ă  la fabrication de meubles. La photo ci-dessous nous montre par exemple un tabouret construit en mycĂ©lium aprĂšs deux semaines de croissance.

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Bon, visuellement ce n’est pas trĂšs joli, mais un tabouret c’est toujours pratique ! CrĂ©dits : 2018 Stanford-Brown-RISD iGEM Team

D’autres idĂ©es proposĂ©es

Ce n’est ici qu’une idĂ©e, mais qui est prise trĂšs au sĂ©rieux par la NASA. D’autres projets ont Ă©galement Ă©tĂ© proposĂ©s au cours de ces derniĂšres annĂ©es. En 2018, une Ă©quipe de chercheurs suisses de l’École polytechnique fĂ©dĂ©rale de Lausanne (EPFL) avait par exemple dĂ©voilĂ© un concept d’igloo gĂ©ant.

Les chercheurs avaient en effet dĂ©crit un dĂŽme d’environ 12,5 mĂštres de haut pour 5 mĂštres de large, composĂ© d’un espace de vie central et de trois sas menant Ă  l’extĂ©rieur. La structure serait de son cĂŽtĂ© faite de fibres de polyĂ©thylĂšne, et elle serait protĂ©gĂ©e par trois mĂštres de glace. De quoi, encore une fois, protĂ©ger les occupants des rayons cosmiques nocifs pour le corps humain.

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Un igloo sur Mars. Crédits : Claudio Leonardi / EPFL

Plus rĂ©cemment, l’entreprise AI SpaceFactory a de son cĂŽtĂ© proposĂ© des structures hautes et verticales baptisĂ©es « Marsha ». Sur le papier, elles seraient fabriquĂ©es Ă  partir de fibres de basalte (une roche que l’on trouve sur Mars). Elles auront aussi besoin de plastique biodĂ©gradable fabriquĂ© Ă  partir de plantes qui pourraient thĂ©oriquement pousser sur la planĂšte rouge.

L’avantage de ces structures, c’est qu’elles profitent au maximum des ressources in situ. Car, comme le rappelle David Malott, fondateur et PDG d’Ai SpaceFactory, « l’envoi de matĂ©riaux sur Mars coĂ»tera trop cher. » Il souligne Ă©galement que ces bĂątiments « devront ĂȘtre construits par des robots avant l’arrivĂ©e des premiers humains avec des matĂ©riaux retrouvĂ©s directement sur la planĂšte ».

Ces structures prĂ©sentent Ă©galement l’avantage d’ĂȘtre 100% recyclables et beaucoup moins gourmandes en Ă©nergie en comparaison au bĂ©ton ou au ciment. En ce sens, elles pourraient un jour se manifester dans le paysage terrestre.

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Crédits : AI SpaceFactory

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