Le Gulf Stream va-t-il vraiment s’effondrer ?

océan gulf stream
Crédits : NASA/Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio.

Le Gulf Stream, un système vital de courants océaniques qui aide à réguler le climat de l’hémisphère nord, pourrait s’effondrer à tout moment entre 2025 et 2095 et déclencher le chaos climatique, prévient une nouvelle étude. Cependant, tous les scientifiques ne soient pas convaincus. Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.

Un système essentiel

Il existe sur Terre un système global de circulation océanique qui transporte de grandes quantités d’eau à travers les océans du monde. Le courant océanique méridien de l’Atlantique (AMOC) est un sous-système qui circule le long de l’Atlantique Nord et de l’Atlantique Sud. Il se caractérise par deux courants principaux.

Le premier est le courant nord-atlantique, ou Gulf Stream. Ce dernier, puissant et rapide, transporte des eaux chaudes des régions tropicales de l’Atlantique vers les hautes latitudes du nord. De ce fait, il contribue à modérer le climat de l’Europe occidentale et des côtes est de l’Amérique du Nord.

Le second est le courant Sud-Atlantique. Concrètement, une fois que les courants transportés par le Gulf Stream atteignent les hautes latitudes, l’eau refroidie par les climats plus froids devient plus dense et commence à couler vers le fond de l’océan. Ce fameux courant Sud-Atlantique transporte alors ces eaux plus froides des régions polaires de l’Atlantique Sud vers les régions équatoriales, complétant ainsi la boucle du courant océanique méridien de l’Atlantique.

Ce système de circulation océanique a une influence importante sur le climat mondial. Il joue également un rôle crucial dans la régulation du niveau de la mer et la circulation du carbone et des nutriments. Sa compréhension est donc essentielle pour prédire ses comportements futurs.

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Une animation simplifiée du « tapis roulant » mondial de l’AMOC avec les courants de surface indiqués en rouge et les courants marins profonds en bleu. Crédits : NASA/Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio

Un prochain point de bascule

Nous savons qu’au-delà d’un certain niveau de réchauffement, certains éléments du système climatique risquent de franchir un point de bascule. Un exemple bien connu est l’arrêt de cette fameuse circulation de l’Atlantique Nord. Tout se jouerait au niveau du Groenland, où les eaux du sud coulent normalement au fond de l’océan. Ce processus a en effet lieu dans une zone qui atteint des températures records. De ce fait, l’eau aurait beaucoup plus de mal à se refroidir, et donc à couler, pour ensuite repartir vers le sud.

La dernière fois que l’AMOC a changé de mode au cours de la dernière période glaciaire, le climat près du Groenland avait augmenté de 10 à 15°C en une décennie. Si la même chose devait se reproduire, les températures en Europe et en Amérique du Nord pourraient chuter jusqu’à 5°C dans le même laps de temps. Cela entraînerait également l’effondrement des écosystèmes océaniques et la prolifération des tempêtes dans le monde.

Un effondrement imminent ?

Toutefois, les données directes sur la force de l’AMOC n’ont été enregistrées que depuis 2004. Pour analyser les changements du courant sur des échelles de temps plus longues, des chercheurs se sont donc tournés vers les relevés de température de surface de cette région océanique entre les années 1870 et 2020. En introduisant ces informations dans un modèle statistique, ils ont alors pu mesurer la diminution de la force et de la résilience du courant océanique par ses fluctuations croissantes d’une année sur l’autre.

Les estimations précédentes prévoyaient que le courant passerait probablement en « mode faible » au cours du siècle prochain. Ces nouveaux résultats sont quant à eux plus alarmants. D’après l’étude, l’AMOC pourrait en effet s’effondrer à tout moment entre 2025 et 2095.

Si ces résultats paraissent très pessimistes, plusieurs océanographes et autres experts du climat ont cependant souligné que l’étude reposait encore sur de grandes incertitudes. Il y a quelques mois, une recherche rapportait également que la désintégration accélérée de la calotte ouest-antarctique par le réchauffement planétaire pourrait potentiellement aider à stabiliser la circulation thermohaline de l’Atlantique Nord. Autrement dit, l’AMOC pourrait persister malgré un apport majeur d’eau douce par le Groenland.

De leur côté, les chercheurs à l’origine de ces travaux prévoient de mettre à jour leur modèle avec les données des trois dernières années, ce qui devrait affiner leurs résultats.