Une étude illustre l’irréversibilité d’un effondrement des plateformes de glace

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Crédits : Wikimedia Commons.

Des travaux de terrain menés au nord du Groenland suggèrent qu’une fois effondrées, les plateformes de glace ne sont plus en mesure de se reformer à moins que le climat ne se refroidisse considérablement. Aussi, un simple retour aux conditions pré-effondrement n’est pas suffisant. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications ce 9 mai.

Les calottes polaires et les plateformes de glace qui les accompagnent sont des objets qui évoluent avec des constantes de temps très longues. En effet, pour se remettre à l’équilibre une fois que le climat a changé, il leur faut plusieurs centaines à plusieurs milliers d’années. Pour ces raisons, la calotte du Groenland est déjà engagée sur le chemin d’une déstabilisation de grande ampleur. Une étude vient illustrer par un cas concret cette impossibilité d’un simple retour en arrière.

L’irréversibilité d’une rupture des plateformes de glace

Les chercheurs se sont intéressés à la deuxième plus grande plateforme de glace du Groenland, la plateforme de Petermann qui a déjà perdu 40 % de sa surface lors d’un évènement de rupture entre 2010 et 2012. Or, en croisant les données observationnelles avec un modèle de calotte, ils ont montré que si cette dernière venait à se disloquer entièrement, elle ne réapparaîtrait pas à moins que le climat ne se refroidisse fortement.

On parle d’hystérésis pour désigner le fait qu’un simple retour au climat qui prévalait avant la déstabilisation ne suffise plus à reformer la plateforme. Par exemple, même si les températures de l’océan polaire redevenaient plus froides qu’elles ne le sont aujourd’hui, le débit de glace associé à la plateforme étudiée resterait supérieur de 40 % à l’actuel. En somme, le système est comme enfermé dans un nouveau régime stable.

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Vue satellite et localisation de la plateforme de glace de Petermann (figure en haut à droite). La zone de mise à terre (grounding zone) ainsi que le front en 2008 et en 2020 sont également indiqués. Crédits : H. Åkesson & coll. 2022.

« Si la plateforme de Petermann est perdue, nous devrions remonter dans le temps vers un climat plus froid rappelant la période précédant la révolution industrielle pour la faire repousser », relate Henning Åkesson, auteur principal du papier. « Étant donné la difficulté à faire repousser les plateformes de glace une fois qu’elles se sont effondrées, l’utilité d’éviter leur rupture en premier lieu devrait être plus claire que jamais », note l’étude dans sa conclusion.

Un dopant pour le relèvement du niveau des mers

Évidemment, une rupture totale aurait des conséquences fortes pour le relèvement du niveau marin puisque les plateformes stabilisent l’écoulement glaciaire en amont par effet d’arc-boutant. Comme dans une cathédrale, en cas de retrait des arcs-boutants, c’est toute la structure qui périclite. Pour une calotte glaciaire, cela se manifeste par une accélération du flux de masse depuis la terre vers l’océan.

« Ce n’est que la première étape, mais il est probable que nos découvertes ne soient pas spécifiques à la plateforme de Petermann et au Groenland », souligne le chercheur. « Si c’est le cas, dans un futur proche, le réchauffement des océans polaires pourrait pousser les plateformes de glace qui protègent les calottes glaciaires de la Terre dans un nouvel état de retrait élevé dont il serait extrêmement difficile de se remettre ».