Cet insecte de jardin banal pourrait inspirer les technologies du futur

cicadelle insecte
Crédits : Luc Pouliot/iStock

Dans le domaine des sciences, même les plus petites et apparemment insignifiantes créatures peuvent mener aux plus grandes innovations technologiques. Prenez par exemple la cicadelle. Cet insecte sans prétention se retrouve absolument partout dans nos espaces verts, mais brille par sa discrétion. La raison ? Il sécrète de minuscules particules particulièrement mystérieuses, les brochosomes, qui leur confèrent une protection à toute épreuve dans la nature. Une nouvelle étude de l’Université de Pennsylvanie sur le sujet a permis de mieux comprendre cette armure naturelle fascinante et ouvre la voie vers de futurs dispositifs d’invisibilité ou une technologie nouvelle génération particulièrement innovante.

À la découverte des secrets des brochosomes sécrétés par la cicadelle

Les chercheurs connaissaient déjà les brochosomes depuis les années 50. Depuis, ces structures nanoscopiques en forme de ballon de football et d’un diamètre d’environ 20 µm (avec des trous d’approximativement 5 µm de diamètre) n’ont pas cessé de les intriguer. Il aura toutefois fallu des travaux menés au fil des années par l’Université de Pennsylvanie (États-Unis) pour en comprendre la géométrie, les propriétés et les utilisations possibles dans les sciences et la technologie. Après avoir créé une version synthétique basique des brochosomes en 2017 pour mieux comprendre leur utilité, cette équipe menée par Tak-Sing Wong, professeur titulaire de génie mécanique et de génie biomédical, a réussi une remarquable prouesse : recréer pour la première fois une modélisation de ces structures extrêmement petites et complexes grâce à l’impression 3D.

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Différentes vues des brochosomes imprimés en 3D et de leur intérieur creux. Crédits : Tak-Sing Wong et coll./PNAS, 2024.

Une grande découverte

Cela a alors permis de dévoiler une caractéristique extraordinaire. Comme l’explique Lin Wang, une étudiante en doctorat dans cette même université ayant participé à l’étude : « on ne comprenait jusqu’ici pas bien pourquoi les cicadelles produisaient des particules avec des structures aussi complexes. […] Nous avons découvert que des particules produites en laboratoire peuvent réduire la réflexion de la lumière jusqu’à 94 %. C’est une grande trouvaille, car c’est la première fois que l’on voit la nature faire quelque chose de ce genre où elle contrôle la lumière d’une manière aussi spécifique en utilisant des particules creuses. »

Cette géométrie complexe qui permet aussi bien une absorption de la lumière visible et ultraviolette peut avoir de multiples utilités dans la nature. Ses propriétés optiques uniques pourraient en effet permettre à cet insecte d’échapper efficacement à ses prédateurs. Avec cette forme d’invisibilité naturelle, la cicadelle peut ainsi même échapper aux oiseaux et reptiles, dont la prédation de base sur une vision UV.

Un petit insecte, mais de grandes perspectives technologiques

L’équipe souhaite à présent affiner son processus de fabrication de brochosomes synthétiques avec l’espoir de s’approcher de leur taille réelle, ce qui pourrait mener à une révolution technologique. En permettant des manipulations optiques inouïes, la création d’un filtre passe-bas à longueur d’onde très courte et à géométrie complexe inspirée par la cicadelle pourrait en effet avoir de très nombreuses applications futuristes.

Certaines d’entre elles incluent la fabrication de panneaux solaires, d’emballages pharmaceutiques ou encore de crèmes solaires plus efficaces. Cela pourrait aussi permettre le cryptage d’informations qui ne seraient alors visibles que sous certaines ondes de lumière. Les chercheurs envisagent aussi le développement d’une cape d’invisibilité ou de dispositifs de camouflage directement inspirés des cicadelles. Cela permettrait en effet de cacher la signature thermique d’un humain ou d’une machine.

Cette étude démontre surtout une fois encore que la nature est une source d’innovation inépuisable. Comme l’affirme Lin Wang : elle « a été une bonne professeure pour permettre aux scientifiques de développer de nouveaux matériaux perfectionnés. Pour cette étude, nous nous sommes juste concentrés sur une espèce, mais il y a plein d’autres insectes incroyables dans le monde qui attendent juste que des experts en sciences des matières les étudient et ils pourraient alors nous aider à résoudre divers problèmes d’ingénierie. Ce ne sont pas que des bestioles, ce sont des inspirations. »

Cette étude est à retrouver dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS). Vous pouvez la consulter en détail ici.