La sécheresse qui a frappé l’Europe de début 2018 à fin 2020 a été la plus intense depuis au moins 1766. Ce sont là les résultats d’une équipe de chercheurs du Centre Helmholtz pour la recherche environnementale – UFZ (Allemagne) récemment publiés dans la revue scientifique Geophysical Research Letters.
Entre avril 2018 et décembre 2020, une large fraction du vieux continent était concernée par un important déficit en eau. Les impacts ont à la fois porté sur l’environnement, avec des cours d’eau asséchés, une multiplication des incendies et des parcelles de forêt ravagées par le stress hydrique, mais aussi sur l’économie et la santé. En effet, les pertes agricoles ont été très lourdes et certaines infrastructures, comme les ouvrages de transport fluvial, les centrales nucléaires, les systèmes de production hydroélectrique ou les réservoirs en eau potable, ont été mises à rude épreuve.
Sécheresse européenne de 2018-2020 : une dimension historique due à des températures anormalement élevées
Ce qui a fait de cette sécheresse des sols un évènement historique est à chercher du côté des températures qui ont accompagné le manque de pluie. L’anomalie thermique moyenne s’élève en effet à 2,8 °C, ce qui constitue un record. Autrement dit, jamais aucun autre épisode de sécheresse ne s’est produit avec des températures aussi élevées. Or, c’est précisément cette dimension anormalement chaude qui a augmenté l’intensité et aggravé les conséquences de la sécheresse. Le déficit de précipitation était quant à lui comparable à celui des fortes sécheresses du passé.
C’est malheureusement ce qui s’impose avec le réchauffement climatique. S’il n’est pas prévu de diminution significative des pluies, la simple hausse du thermomètre aggrave et prolonge les épisodes de sécheresses en augmentant l’évaporation. Par conséquent, les sols s’assèchent plus vite, plus fort et nécessitent une plus grande quantité d’eau pour récupérer. Dans ce contexte, les conséquences du manque d’eau sont inévitablement décuplées. Les récoltes de maïs, de blé et d’orge ont par exemple connu une chute de 10 % à 40 % à l’échelle de l’Europe entre 2018 et 2020.
Vers des phases sèches plus longues et plus étendues
Afin de mieux comprendre comment les sécheresses agricoles évolueront à l’avenir, les chercheurs ont analysé les résultats d’un ensemble de modèles climatiques pour deux scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, l’un pessimiste et l’autre plus modéré. Dans les deux cas, l’intensité des sécheresses futures dépasse finalement assez peu celle de 2018-2020. Toutefois, la durée et l’étendue spatiale seront fortement augmentées : jusqu’à 100 mois et 50 % respectivement pour le scénario modéré, et jusqu’à 300 mois et 70 % pour le scénario pessimiste à comparer aux 33 mois et aux 30 % associés à la sécheresse des dernières années.
« Les décideurs doivent être préparés à des épisodes de sécheresse beaucoup plus graves à l’avenir », souligne Luis Samaniego, coauteur de l’étude. « Surtout pour l’élaboration de nouvelles politiques agricoles, cela doit être considéré comme un signal d’alarme pour évaluer les mesures appropriées pour atténuer le manque d’eau qui nous menace. Cela pourrait être l’établissement de grands réservoirs d’eau, tels que des systèmes de stockage souterrains, des technologies d’irrigation intelligentes ou la sélection de cultivars plus résistants à la chaleur ».
Enfin, il faut noter que si la sécheresse des sols superficiels s’est estompée début 2021, les sols profonds sont parfois restés déficitaires jusqu’en 2022. « Bien que 2021 ait été plus humide et ait fourni de l’eau indispensable à la partie supérieure du sol, importante pour le maintien des activités agricoles, l’humidité n’a pas pénétré à de plus grandes profondeurs », rapporte Oldrich Rakovec, auteur principal du papier.