La tristesse diminuerait notre perception de certaines couleurs

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Crédits : loilamtan / Pixabay

Au cours d’une nouvelle étude, des chercheurs de l’université de Rochester (États-Unis) viennent de démontrer qu’être déprimé pouvait modifier la façon dont nous voyons certaines teintes. En effet, selon les résultats de leurs travaux, les personnes ressentant de la tristesse auraient davantage de difficultés concernant la perception de deux couleurs bien particulières. Explications.

« Tout me paraît terne », « je vois la vie en gris ». Autant de paroles que l’on peut régulièrement entendre de la part d’une personne déprimée et qui sembleraient par ailleurs amplement justifiées si l’on en croit une nouvelle étude publiée dans Psychological Science. En effet, selon les auteurs de cette recherche, les personnes déprimées seraient moins sensibles à certaines teintes que les autres. La tristesse troublerait en effet la perception de deux couleurs : le bleu et le jaune.

Des participants soumis au « Roi lion » et à un spectacle comique

Pour arriver à cette conclusion, les scientifiques ont recruté 127 personnes, d’âge, de sexe et de milieux sociaux différents avant de les répartir dans deux groupes distincts de manière aléatoire. Selon leur groupe, les participants de l’étude devaient soit regarder une scène de film censée induire des sentiments de tristesse (extrait du « Roi lion »), soit visionner un spectacle comique visant à engendrer des sentiments de joie.

À l’issue de ces séances, tous les individus ont rempli un questionnaire ayant pour but de vérifier si la séquence visionnée avait eu l’effet émotif escompté. Chaque sujet a ensuite reçu une palette de 48 cartons colorés dont la saturation avait été abaissée au point d’être proche du gris. Pour chaque carton, les participants devaient indiquer si la couleur était rouge, jaune, vert ou bleu.

En comparant les résultats entre les deux groupes, les chercheurs ont établi que les personnes ayant un état émotionnel « triste » étaient sensiblement moins précises dans l’identification de certaines couleurs comparées à celles qui avaient regardé la séquence comique. Cette même différence a par ailleurs été constatée lorsque la scène comique a été remplacée par une scène neutre.

Le rôle crucial de la dopamine

Étonnamment, les difficultés d’identification des couleurs chez les personnes les plus « tristes » se sont limitées aux teintes comprises entre le bleu et le jaune. En effet, aucune différence entre les deux groupes n’a été relevée pour les couleurs dont le spectre s’étendait du rouge au vert. « Ces résultats ne sont pas liés à des différences au niveau de l’effort, de l’attention ou de l’engagement des participants à accomplir cette tâche », précisent les auteurs de l’étude, relayés par le site Sciences & Avenir. « Nos travaux suggèrent donc que la tristesse est spécifiquement responsable de différences dans la perception des couleurs ». 

Comment expliquer que des émotions négatives puissent altérer la perception de certaines couleurs ? « Des travaux antérieurs ont mis en évidence le fait que la perception des nuances de bleu et de jaune est liée à la sécrétion d’un neurotransmetteur, la dopamine », soulignent les chercheurs. Or, ce neurotransmetteur serait justement moins sécrété lors de certains épisodes dépressifs ou lorsque nous ressentons une tristesse passagère. « La tristesse affecte ainsi spécifiquement des processus visuels cérébraux qui sont impliqués dans la perception de certaines couleurs », poursuivent-ils.

Des résultats appelés à être vérifiés

Par ailleurs, des études précédentes avaient également montré que l’état émotionnel d’une personne pouvait influencer la manière dont il perçoit l’espace et les formes. « Notre humeur et nos émotions peuvent affecter la façon dont nous voyons le monde autour de nous », explique Christopher Thorstenson, principal auteur de l’étude, dans un communiqué.

Toutefois, des travaux complémentaires sur des cohortes plus importantes seront nécessaires aussi bien pour s’assurer que le phénomène observé au cours de cette étude est généralisable que pour apporter, le cas échéant, une meilleure compréhension des mécanismes en jeu. De plus, nul doute que les résultats des prochaines études seront scrutés par les milieux de la mode et du design, tant le bleu et le jaune sont deux teintes dont la tendance n’est plus à démontrer au fil des années. Est-ce que la mode prendra bientôt en considération les états émotionnels de leurs futurs clients ? Rien n’est moins sûr, tant le neuromarketing tend à se développer ces dernières années.

Sources : Psychological Science — S & A