Et si on arrĂȘtait de quasi-noyer les souris de laboratoire ?

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DĂ©sespoir, dĂ©valorisation et autres symptĂŽmes particuliĂšrement nĂ©gatifs, la dĂ©pression n’a rien Ă  voir avec une simple dĂ©prime : c’est une vraie maladie qui touche aujourd’hui des millions de personnes Ă  travers le monde. Tout naturellement, de nombreux laboratoires tentent alors de mettre au point un anti-dĂ©presseur pour traiter ces symptĂŽmes. Mais comment s’y prennent-ils, exactement ?

Le test de la nage forcĂ©e, aussi appelĂ© « test de dĂ©sespoir comportemental », est un test bien connu visant Ă  mettre au point de nouveaux antidĂ©presseurs et autres drogues anxiolytiques. L’idĂ©e gĂ©nĂ©rale consiste Ă  faire tomber des rats ou des souris de laboratoire dans des bocaux Ă  moitiĂ© remplis d’eau. On observe ensuite les rongeurs, paniquĂ©s, tout faire pour s’empĂȘcher de se noyer. Deux types de comportements peuvent alors ĂȘtre observĂ©s. D’un cĂŽtĂ©, les rongeurs non dĂ©pressifs vont essayer de nager et de lutter pour s’échapper. D’un autre cĂŽtĂ©, les rongeurs dĂ©pressifs vont abandonner plus rapidement que les rongeurs non dĂ©pressifs (gĂ©nĂ©ralement au bout de deux minutes), et commencer Ă  se laisser flotter, en signe de dĂ©sespoir.

Une expérience controversée

DĂ©veloppĂ©e en 1977, la mĂ©thode fait dĂ©bat – Ă  juste titre. Donner Ă  une souris un antidĂ©presseur pour ensuite la laisser tomber dans l’eau afin de la regarder se noyer est une expĂ©rience tout Ă  fait cruelle. La souris n’a aucune chance de s’échapper. Si l’expĂ©rience est largement adoptĂ©e, on serait en revanche au moins tentĂ© de penser qu’elle fonctionne. Mais lĂ  encore, ça devient compliquĂ©. Pour beaucoup en effet, se laisser « flotter » aprĂšs quelques secondes de lutte ne serait pas un signe d’abandon, mais plutĂŽt une stratĂ©gie de survie. En cessant de se dĂ©battre, les souris Ă©conomiseraient alors de l’énergie. Et, pour le coup, « rĂ©flĂ©chir » puis mettre en Ɠuvre une technique dans le but d’économiser de l’énergie pour survivre ne peut en rien s’apparenter Ă  un comportement dĂ©pressif.

souris laboratoire
Et si l’on arrĂȘtait de quasi-noyer les souris pour traiter la dĂ©pression ? CrĂ©dits : iStock

« Cruellement inutile »

« Dans une Ă©tude de 2015, des chercheurs aux Pays-Bas ont conclu qu’il n’existait pas de signe ou de symptĂŽme de dĂ©pression modĂ©lisĂ© dans le test, explique dans Emily R. Trunnell, neuroscientifique et associĂ©e de recherche pour l’association PETA Ă  Norfolk, en Virginie (États-Unis). En outre, une autre revue a notĂ© qu’il y avait peu de similitudes entre les symptĂŽmes cliniques de la dĂ©pression chez l’Homme et les comportements mesurĂ©s dans le test. En d’autres termes, le test de la nage forcĂ©e cherche des signes d’orange dans des pommes. Entretemps, des milliers d’animaux – au moins 5 461 souris, 1 066 rats, 748 gerbilles et 305 cobayes, ont souffert inutilement en laboratoire ».

Entre 1989 et 2018, la chercheuse note que 47 composĂ©s diffĂ©rents auraient en effet Ă©tĂ© administrĂ©s Ă  ces souris de laboratoire soumises ensuite au test de la nage forcĂ©e. Au total, 36 d’entre eux se seraient rĂ©vĂ©lĂ©s « prometteurs », mais aucun ne s’est finalement retrouvĂ© sur le marchĂ© pour traiter la dĂ©pression chez l’Homme. « Il est temps que les sociĂ©tĂ©s pharmaceutiques et tous les expĂ©rimentateurs cessent d’utiliser ce test, conseille Emily R. Trunnell. C’est de la science superposĂ©e – une perte de temps et d’argent inutile. Et surtout, c’est cruellement inutile ».

Une stimulation Ă©lectrique dans le cerveau pour traiter la dĂ©pression ?

Une Ă©tude menĂ©e par des chercheurs de l’UniversitĂ© de Californie suggĂ©rait il y a quelques semaines qu’une stimulation Ă©lectrique du cortex orbitofrontal du cerveau pouvait entraĂźner une amĂ©lioration de l’humeur chez les patients souffrant de dĂ©pression. Pour en arriver Ă  ces conclusions, les chercheurs n’ont en revanche pas utilisĂ© de souris, mais ont profitĂ© d’opĂ©rations chirurgicales programmĂ©es chez 25 patients atteints d’épilepsie. D’autres recherches devront ĂȘtre menĂ©es en ce sens, mais les rĂ©sultats semblent prometteurs.

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