Cycle solaire : une influence négligeable sur les hivers européens, selon une nouvelle étude

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Crédits : Pixabay.

L’influence du cycle solaire de 11 ans sur la circulation atmosphérique dans le nord de l’Atlantique a suscité beaucoup d’intérêt de la part des scientifiques. Différents travaux auraient détecté une influence substantielle. En théorie, cela permettrait d’anticiper les variations des régimes météorologiques jusqu’à une décennie à l’avance. Toutefois, comme en témoigne une étude publiée le 21 janvier dernier, la popularité de ces hypothèses en ferait presque oublier leur fragilité sous-jacente…

Les conditions météorologiques en hiver autour de l’Atlantique nord sont fortement contrôlées par la répartition du champ de masse atmosphérique. Schématiquement, lorsque la différence de pression entre les régions subtropicales et subpolaires est marquée, le flux d’ouest océanique doux et humide tend à s’enfoncer sur l’Europe – et jusqu’en Asie de l’Ouest. À l’inverse, lorsque cette différence est faible, le flux océanique est mou et circule anormalement bas. Ceci est favorable à la descente des masses d’air froid et/ou à des conflits neigeux à des latitudes plus méridionales.

Ces deux états correspondent respectivement à la phase positive et négative de l’oscillation nord-atlantique (NAO en anglais). Un indice qui, dans sa forme la plus basique, quantifie cette différence latitudinale de pression. Ainsi, il existe une relation statistique entre la phase de la NAO et le type de temps présent en Europe. Être capable de prévoir ces phases plusieurs années à l’avance permettrait d’anticiper les changements ou les récurrences de régimes météorologiques à très long terme. Ce qui aurait à n’en pas douter de nombreux avantages socio-économiques.

La remise en question de l’impact du cycle solaire

Des études ont conclu que la NAO avait plutôt tendance à se situer dans sa phase positive au moment du pic d’activité du cycle solaire – l’inverse au moment du minimum. Des travaux plus récents ont confirmé cette influence. Ils précisent cependant que la réaction la plus importante est observée plusieurs années après un maximum ou un minimum. Beaucoup d’attention a été portée à cette relation étant donné ses potentielles implications pour la prévision annuelle à décennale. Elle reste toutefois fragile, comme en témoigne une étude parue dans Nature Geoscience ce 21 janvier.

cycle solaire
Variation du nombre de taches solaires entre 1985 et 2015 associée au cycle de 11 ans. Crédits : Wikimedia Commons.

Celle-ci vient jeter un sérieux doute sur le lien évoqué plus haut – pourtant jugé robuste par les travaux impliqués. « Nous pensions que certaines des théories dans la littérature n’étaient pas vraiment solides », explique Gabriel Chiodo, auteur principal du papier. « Nous les avons donc revisitées à l’aide de quatre reconstructions de données plus sophistiquées, remontant plus loin dans le temps que ce que les chercheurs ont fait jusqu’à présent », poursuit-il.

Ce faisant, il apparaît qu’avant 1960, la corrélation s’évanouit. Après cette date, elle existe mais reste faiblement significative. « Ces allées et venues apparentes de corrélations sont en fait dues à la variabilité atmosphérique, et non au soleil ».

Les auteurs ont également utilisé un modèle de climat équipé d’une chimie stratosphérique. Ils ont ainsi pu quantifier plus physiquement l’influence du soleil sur la NAO d’hiver. Les simulations de 500 ans effectuées indiquent qu’il est négligeable. Par contre, la variabilité d’échelle décennale interne au système climatique conduit de façon fortuite à des périodes de NAO en phase avec le cycle solaire. « En gros, ce que nous disons, c’est que la théorie était un mirage », précise Lorenzo Polvani, co-auteur de l’étude.

La variabilité interne et le problème de la sur-attribution

Dans le communiqué de presse qui accompagne la sortie de l’étude, l’auteur en profite pour évoquer une tendance malencontreuse des scientifiques dans ce domaine. « Il existe un biais sociologique très intéressant dans la manière dont la science du climat est réalisée. Les collègues sont facilement convaincus que les variations climatiques viennent de l’extérieur. Il y a donc une grande résistance à accepter le fait que – parfois – le climat varie simplement de son propre fait ».

Notons pour terminer que les mises en garde concernant l’attribution des anomalies climatiques aux variations de l’activité solaire ne datent pas d’hier. On en retrouve par exemple dans le travail de James & al. 1989. Cela pose le problème de la sur-attribution. Une tendance à vouloir attribuer des fluctuations à un facteur externe alors que le système étudié peut les générer de lui-même. D’un point de vue historique, le domaine de l’impact du soleil sur la variabilité atmosphérique a toujours été sujet à de vives critiques. Celles avancées par l’étude discutée dans cet article ne sont certainement pas les dernières !

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