Comment le système électrique nous aidera à sauver le climat

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Pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, signé en décembre 2015 à la COP21, la France s’est engagée à diminuer ses émissions de carbone de 40% d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les récents rapports d’experts s’accordent sur le fait que le système électrique jouera un rôle clé dans cette transition énergétique, en France comme dans le monde.

Le système électrique est l’une des pierres angulaires de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique. En effet, la production d’électricité représente un peu plus de 40% des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) liées à l’utilisation d’énergie. La décarbonation de ce secteur, qui repose encore majoritairement sur le charbon et le gaz, constitue donc un enjeu de première importance si l’on veut avoir une chance de limiter le réchauffement climatique autour de 2°C par rapport à la moyenne du préindustriel (1850-1900).

Par ailleurs, le GIEC rapporte que la consommation mondiale d’électricité devrait croître de façon notable à l’avenir. Et pour cause, dans la perspective d’une production décarbonée, l’électricité se substituerait aux énergies fossiles massivement utilisées dans des secteurs comme les transports, l’industrie ou le contrôle thermique des bâtiments. On rappelle que ces secteurs contribuent respectivement pour 24%, 19% et 6% aux émissions mondiales de CO2. Dans cette optique, la bascule vers la voiture électrique ou les pompes à chaleur sont des exemples emblématiques.

Crédits : AIE, Data Lab.

En décarbonant l’électron, il est donc possible de transférer une fraction substantielle de la consommation de pétrole, de charbon et de gaz sur celle d’électricité, limitant ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Le but est donc bien de décarboner l’énergie à grande échelle, et non plus seulement l’électricité. Aussi, même en tenant compte des progrès sur l’efficacité énergétique, par exemple en isolant mieux les habitations, il sera nécessaire d’augmenter la production électrique. Sans oublier les pays en voie de développement où la croissance de la consommation électrique est nécessaire à l’augmentation du niveau de vie.

Engagements climatiques et électricité bas-carbone : le cas français

La France prévoit d’atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle, c’est-à-dire que toute émission résiduelle sera compensée par une absorption équivalente par un puits de carbone (une forêt en expansion est un exemple de puits). C’est du moins ce que prévoit la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC). L’objectif de neutralité carbone implique une diminution de la consommation totale d’énergie d’environ 40%, mais une hausse de celle d’électricité en raison des transferts d’usages. La part occupée par le gaz et le pétrole dans la consommation d’énergie finale doit ainsi passer de 60% actuellement au net zéro à l’horizon 2050.

Pour ce faire, la France dispose d’un atout de taille par rapport à ses voisins puisqu’elle a déjà accompli la première étape de sa transition. En effet, grâce à son parc nucléaire et à ses barrages, son électricité est d’ores et déjà décarbonée à plus de 90%. En 2021, 69 % provenait du nucléaire, 12% des barrages, 7% de l’éolien et 2,7% du solaire, le reste étant partagé entre le gaz naturel, le charbon, le fioul et le thermique renouvelable.

« Pour réduire les émissions, l’enjeu pour la France diffère de celui de nombre de ses voisins », explique à ce titre RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité dans un rapport majeur publié en 2021. « Alors que la feuille de route énergétique de ces derniers consiste en premier lieu à développer une production d’électricité bas-carbone, la France doit passer à l’étape suivante et décarboner l’ensemble de l’économie, en partie grâce à son électricité bas-carbone ».

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Crédits : RTE.

Quel que soit le scénario étudié, le transfert des consommations de pétrole et de gaz vers l’électricité appellera une hausse de sa production. Selon l’étude menée par RTE, même avec une importante sobriété énergétique, la consommation d’électricité augmenterait de 15%. Dans le cas d’un scénario de réindustrialisation massive (1), elle grimperait de 60%. On voit par conséquent que les actions de sobriété peuvent diminuer les besoins futurs en électricité, mais ne suffiront pas à faire l’économie d’un important travail de fond sur le système électrique français. Il en va de même pour l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Deux grandes options: le nucléaire et les énergies renouvelables

Le cahier des charges consiste donc à produire plus d’électricité décarbonée pour assurer la sécurité d’approvisionnement en énergie tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Mais le chemin à suivre pour réussir cette transition n’est pas tout tracé et anime régulièrement les débats autour de la transition énergétique. Faut-il favoriser les énergies renouvelables, mais intermittentes, comme l’éolien ou le solaire ? Devrions-nous miser sur l’atome comme ce fut le cas après les chocs pétroliers des années 1970 ? Et si l’on doit associer les deux, quelle place accorder à chacune et avec quel échéancier ?

S’il existe des contraintes auxquelles on ne peut pas échapper, comme le vieillissement du parc nucléaire, les échelles de temps associées à ses infrastructures ou l’intermittence de l’éolien et du solaire photovoltaïque, le choix précis du scénario dépendra en grande partie des paris que notre société sera prête à faire et des efforts qu’elle se dira prête à accepter. À cet égard, la perspective d’une production électrique basée sur 100% de renouvelables n’est pas hors de portée, mais serait extrêmement ambitieuse et contraignante.

Comme le rappelait Emmanuel Macron lors d’un discours au Creusot en décembre 2020, la stratégie de la France vise pour l’heure à diminuer la part du nucléaire dans le mix électrique tout en accélérant le déploiement des énergies renouvelables et en ouvrant la voie aux technologies SMR (réacteurs nucléaires modulaires) et EPR2. La nécessité de gérer l’intermittence des nouvelles énergies renouvelables devra également s’associer à des progrès en termes de gestion du réseau et de stockage de l’électricité, avec la présence de centrales en back-up, fonctionnant avec de l’hydrogène (produit avec de l’électricité par électrolyse) ou du gaz issu des pratiques de méthanation et méthanisation.

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Transferts des consommations d’énergies fossiles vers celles d’électricité et d’autres énergies décarbonées comme la biomasse – diminués de la part associée à l’efficacité énergétique – selon la SNBC. Crédits : RTE.

Une chose est certaine : l’urgence climatique impose une mobilisation forte et rapide, que ce soit au niveau mondial, national ou à l’échelle des régions, là où se font les installations de production d’énergie et où s’articulent les débats qu’elles peuvent susciter. L’épuisement des ressources fossiles, en particulier de pétrole et de gaz, représente un autre argument fort en faveur d’une électrification massive des usages à travers des modes de production décarbonés. Enfin, en se passant des importations de combustibles fossiles, la France serait moins dépendante des pays producteurs d’hydrocarbures, ce qui offre un intérêt du point de vue de la souveraineté nationale, bien qu’une indépendance stricte soit hors d’atteinte, même pour un scénario avec 100% de renouvelables (besoins en métaux, etc.).

Conclusion sur le système électrique

La transition énergétique, à travers le système électrique, se présente à la fois comme une nécessité et une opportunité pour la France. À condition toutefois de la discuter et de la travailler avec la rigueur, la pédagogie et la transparence que réclame ce sujet complexe. Plus qu’un terrain de rixes entre partisans de telle ou telle source d’énergie, la transition en cours doit faire l’objet d’une discussion citoyenne éclairée et guidée par les rapports d’experts qui ne cessent de gagner en qualité à mesure que la recherche progresse. C’est là le prix de la lutte contre le changement climatique et la dépendance aux énergies fossiles.

(1) Les émissions nationales de CO2 ont diminué de 20% entre 2000 et 2019, mais l’empreinte carbone, qui prend en compte le solde lié aux imports et exports, n’a diminué que de 5%. En effet, la production de biens manufacturés à l’étranger fait souvent appel à des énergies fossiles. En réindustrialisant la France, il serait ainsi possible de diminuer plus rapidement l’empreinte carbone par le biais d’une production essentiellement décarbonée.

Sources : Futurs énergétiques 2050, RTE / DATA LAB, Chiffres clés du climat, Éditions 2022, I4CE, Institute for Climate Economics (https://www.i4ce.org/publication/chiffres-cles-climat-2022-france-europe-monde/) / Bilan Électrique 2021, RTE (https://bilan-electrique-2021.rte-france.com) / https://app.electricitymaps.com/map / Intergovernmental Panel on Climate Change 2014, WGIII.