Cette Française du 17e voulait de jolies dents, mais à quel prix ?

Anne d'Alègre dents
Crédit : Rozenn Colleter, INRAP

Au tournant du XVIIe siècle, Anne d’Alègre s’est donné les moyens de conserver son sourire en fixant ses dents avec des fils d’or. La procédure, particulièrement avancée pour l’époque, aurait cependant été douloureuse. Au final, elle aurait peut-être également aggravé son état. Les détails de l’étude sont publiés dans le Journal of Archaeological Science: Reports.

Reconstituer les conditions de vie et de santé des humains anciens est essentiel pour la recherche anthropologique. Parmi les restes squelettiques, ceux de la cavité buccale sont particulièrement intéressants, dans la mesure où la santé bucco-dentaire est étroitement liée à la santé systémique. La santé de nos dents peut également fournir une indication pour le diagnostic d’une pathologie spécifique, notamment la maladie parodontale.

Cette maladie se définit comme le résultat d’une réponse inflammatoire gingivale chronique due à l’accumulation de plaque dentaire. La perte du tissu conjonctif et la destruction de l’os alvéolaire entraînent une perte progressive d’attache autour des dents concernées. Des dents branlantes entraînent alors une gêne physique et esthétique.

Dans ce cas, une attelle permet un support dentaire plus solide. Ce traitement symptomatique de la destruction parodontale par contention est connu depuis plus de 4 000 ans. Dans le cadre de cette nouvelle étude, une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) de Rennes décrit une analyse de l’état bucco-dentaire du corps embaumé d’une femme aristocrate du XVIIe siècle.

Il s’agit de la première démonstration d’un lien entre un diagnostic et une thérapie sur un individu identifié à l’aide des nouvelles technologies numériques utilisées dans la dentisterie moderne.

Des fils en or et beaucoup de douleur

Cette femme, nommée Anne d’Alègre, aurait vécu de 1565 à 1619. Ses restes ont été découverts dans un cercueil en plomb au château de Laval à la fin des années 80. De fait, ses os et ses dents étaient encore très bien conservés.

Ces premières fouilles avaient déjà révélé la présence d’une fausse dent en ivoire et des ligatures. Cette réanalyse, dirigée par l’anthropologue Rozenn Colleter, consistait à scanner le crâne avec un « faisceau conique » utilisant des rayons X pour créer une image en trois dimensions. Cet examen a confirmé que cette femme souffrait bien d’une grave maladie parodontale qui avait desserré plusieurs de ses dents. De fait, les ligatures en or visaient à les empêcher de tomber.

Anne d'Alègre dents
Des photographies aux rayons X des mâchoires et des dents du squelette montrent où les fils d’or fins ont été placés pour serrer les dents de la femme en place. Crédits : Journal of Archaeological Science : Reports/Rozenn Colleter

À noter également que la plupart de ces fils étaient enroulés autour du bas des dents, près des gencives. Cependant, certaines ont visiblement été percées pour les faire passer. Un tel traitement aurait été douloureux et aurait nécessité de resserrer périodiquement les fils. Malheureusement pour cette femme, la dentisterie n’aurait fait qu’empirer la situation en déstabilisant les dents voisines, notent les auteurs.

Anne d'Alègre dents
Un portrait d’Anne d’Alègre. Crédits : Domaine public

Mais alors, pourquoi s’infliger un tel calvaire ? Les chercheurs proposent que l’objectif du traitement était triple : thérapeutique, esthétique et sociétal. En effet, au-delà du simple traitement, cette femme (veuve deux fois) aurait peut-être ressenti une sorte de pression sociale pour préserver ses dents à une époque où la valeur perçue et le rang des femmes dans la haute société étaient influencés par leur apparence.