Vagues de chaleur et canicules : comment se forment-elles ?

Les vagues de chaleur et les canicules sont des aléas climatiques caractéristiques de la saison estivale. Plusieurs événements très sévères causant la mort de plusieurs milliers – voire dizaines de milliers – de personnes ont eu lieu sur le globe ces dernières années, dont la canicule de 2003 en Europe, de 2010 en Russie et de 2015 et 2016, respectivement dans le sud et le sud-est de l’Asie. Comment ces phénomènes se forment-ils et quelles sont les conditions favorables à leur apparition ?

Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), une vague de chaleur est  définie comme étant « un réchauffement important de l’air, ou une invasion d’air très chaud sur un vaste territoire, généralement sur une période de quelques jours à quelques semaines ». Toutefois, la définition reste assez vague, en premier lieu en raison de la diversité des climats présents sur le globe. Par exemple, les températures atteintes lors d’une vague de chaleur en Algérie seront clairement d’un autre niveau que celles atteintes durant un épisode chaud en Finlande. La perception de la chaleur, ses effets sur la santé, sur l’environnement et le secteur socio-économique varient donc fortement d’un pays à l’autre et même d’une région à une autre, expliquant l’absence d’une définition universelle*. La canicule quant à elle est définie de manière qualitative comme « un épisode de températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période prolongée » selon Météo-France. C’est en quelque sorte une grosse vague de chaleur.

La compréhension des mécanismes qui conduisent à l’apparition et à la persistance d’une vague de chaleur ou d’une canicule présente des enjeux importants, étant donné leurs forts impacts sur la santé, les écosystèmes, les infrastructures, la production énergétique, etc. Ceci d’autant plus dans un contexte de réchauffement global.

D’un point de vue purement atmosphérique, les vagues de chaleur ou les canicules sont associées à la présence d’une circulation anticyclonique persistante, notamment en altitude. Dans une telle structure, l’air est subsident – il descend lentement – ce qui conduit à un réchauffement de la masse d’air par compression ainsi qu’à son assèchement, dissipant toutes structures nuageuses profondes d’où l’absence de pluie (hormis localement, notamment près des reliefs). Par ailleurs, cette dissipation des nuages permet à plus d’énergie solaire d’atteindre la surface et de réchauffer efficacement l’air près du sol en cours de journée. La chaleur perdue en cours de nuit ne compensant pas le gain diurne, elle s’accumule ainsi au fil des jours. Enfin et bien sûr, l’advection d’air très chaud – et parfois très humide – provenant des tropiques sur le flanc ouest de la circulation anticyclonique vient compléter cette description. Suivant la particularité de la situation météorologique, la région du globe concernée ou la phase de l’épisode caniculaire, certains facteurs pourront être plus importants que d’autres. Par exemple, la phase initiale d’un épisode chaud est souvent dominée par le processus d’advection, en tout cas à nos latitudes.

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Un soleil écrasant, fréquent les jours de canicules. Crédits : Paulo Otávio/flickr.

Le seul point de vue atmosphérique est toutefois insuffisant pour rendre compte de l’amplification parfois très rapide du dôme d’air chaud sur une zone géographique. Les interactions sol/atmosphère jouent également un rôle important. Un sol anormalement sec va en effet favoriser un fort réchauffement de l’air, car moins d’énergie est consommée pour l’évaporation. De plus, la sécheresse de surface tend à créer des conditions moins propices à la survenue d’événements pluvieux. Des études ont montré que les canicules de 2003 en Europe et de 2010 en Russie ont été amplifiées par des sols anormalement secs. Le phénomène s’auto-alimente par la suite : l’échauffement rapide de l’air amplifie l’assèchement des sols et accentue en retour l’échauffement de l’air… Ces boucles de rétroaction peuvent jouer un rôle clé dans le développement d’une canicule, en particulier à nos latitudes lorsque l’écoulement de grande échelle favorise la persistance d’une circulation anticyclonique sur une zone géographique donnée : on parle de blocage atmosphérique. La présence de cette structure anticyclonique quasi stationnaire permet d’enclencher les processus thermodynamiques évoqués plus haut et les rétroactions impliquant les sols, et de les maintenir tant que le régime de temps ne change pas. La chaleur s’installe et s’accumule… La canicule apparaît puis s’accentue tout comme les impacts négatifs qui lui sont liés.

On notera pour conclure que les processus qui conditionnent l’apparition même d’un anticyclone de blocage en saison estivale sont encore le fruit de nombreuses recherches. Elle pourrait être favorisée par certains modes d’activité orageuse dans les tropiques. Ainsi, la circulation atmosphérique ayant permis à la canicule de 2003 de se produire aurait été en partie forcée par une forte activité orageuse entre l’Afrique du Nord et l’Amérique centrale. Celle de 2010 en Russie proviendrait en partie de gros amas d’orages dans le nord de l’océan Indien.

* Les différentes approches adoptées (climatologie, météorologie opérationnelle, étude scientifique…) participent également à la grande diversité des seuils censés définir une vague de chaleur.

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