Torture : qu’est ce que le supplice du rat ?

L’an dernier, SciencePost revenait sur 15 méthodes de tortures d’un autre temps. L’une d’entre elles était particulièrement horrible : le supplice du rat, une technique issue de la Chine médiévale selon un ouvrage paru en France en 1899.

Le supplice du rat est une méthode de torture (et d’exécution) incroyablement perverse. Elle consiste à placer sur l’abdomen de l’individu immobilisé une cage en fer sans fond emprisonnant un rat affamé. Par le biais d’un fer rougi au feu, le rat était asticoté par le bourreau jusqu’à ce qu’il se fraye un chemin par tous les moyens, en voulant naturellement s’éloigner de la chaleur intense. Une variante existe : une cage ou un pot munis d’un orifice fixé dans l’anus du condamné. Horrible, n’est-ce pas ?

Cette méthode de torture aurait été importée de Chine selon le célèbre écrivain et journaliste français, Octave Mirbeau (1848-1917), dans son ouvrage Le Jardin des supplices (1899) qui a popularisé le supplice du rat. Il s’agit d’un ouvrage à grand succès donnant des descriptions horrifiantes de supplices, mais ne s’arrêtant toutefois pas là. Octave Mirbeau décrivait aussi la cruauté humaine et les pulsions scopiques (scoptophilie) en lien avec ces méthodes de torture et d’exécution.

Tout d’abord, le supplice du rat a connu un succès en France bien après un autre succès médiatique du XIXe siècle : des photographies de suppliciés chinois avaient été exposées, montrant entre autres le supplice des cent morceaux (Lingchi) qui n’apparait pas dans l’ouvrage de Mirbeau. Le supplice du rat ne faisait d’ailleurs pas partie de l’exposition photographique évoquée ci-dessus.

Cependant, un blog s’est lancé dans une analyse poussée de l’ouvrage, notamment au niveau du supplice du rat que Mirbeau aurait inventé lui-même tout comme d’autres supplices imaginaires. Le supplice du rat n’aurait en fait rien de chinois : il s’agirait une connotation censée donner plus de crédibilité à l’ouvrage lui-même :

« C’est un supplice de son invention, car ce supplice n’a, bien sûr, rien d’un supplice chinois. Le terme chinois venait qualifier automatiquement, à l’époque, aussi bien un supplice qu’un jardin. Le jardin des supplices, invention littéraire de Mirbeau, réunit dans une configuration obsédante ces deux clichés ; celui de la cruauté des Chinois lui sert de paravent exotique pour exposer une réflexion anthropologique portant sur la cruauté humaine en général ; quant au jardin chinois, il représente pour lui un modèle esthétique et lui fournit le nouveau paradigme d’un rapport de la nature et de l’art où l’art suprême consiste à se mettre au service de la puissance de la nature — une puissance dont l’exubérance végétale est l’expression la plus directement sensible. »

Ces mots ont été tirés d’un superbe article intitulé Le « Supplice du rat » fleuron du Jardin des supplices (Claire Margat, septembre 2005), publié sur un blog baptisé Chinese Torture Supplices Chinois. Voici ce que l’on peut lire dans sa présentation :

« Le “Supplice chinois” est un cliché. C’est la représentation visuelle du préjugé selon lequel les Chinois seraient particulièrement cruels. Appuyée sur des témoignages et des documents photographiques, cette représentation a proliféré dans la littérature, l’art, le théâtre, le cinéma, etc. Le mythe a depuis bien longtemps survécu aux faits qui l’avaient inspiré, et il continue à déformer notre perception de la réalité chinoise.

Peu de civilisations ont été au cours de l’histoire aussi vilipendées pour leur cruauté supposée que la Chine dans l’occident des dix-neuvième et vingtième siècles. Quelle était, dans les faits alors rapportés, la part de vérité, la part de pure fantaisie, la part de la déformation de faits réels ? »

Sources : Le Jardin des SupplicesChinese Torture Supplices Chinois