Si les orques migrent, c’est pour prendre soin de leur peau

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Crédits : C. COULSON

Les orques migrent vers les tropiques pour faire un gommage complet de leur peau. C’est en tout cas ce que semble suggérer une étude menée par des chercheurs américains.

De nombreuses espèces de baleines parcourent des milliers de kilomètres en hiver vers les eaux tropicales. Puis elles retournent vers des mers froides riches en nourriture dès que s’annonce la saison estivale. La question de savoir pourquoi ces baleines entreprennent certaines des plus longues migrations du règne animal interroge toujours les chercheurs. Certaines idées ont néanmoins été avancées.

L’une d’elles suggère que les bébés ont tendance à mieux survivre dans les eaux plus chaudes. Cela expliquerait pourquoi de nombreuses baleines mettent bas dans les tropiques. Cependant, du fait de leur taille imposante, ces animaux ne devraient avoir aucun problème à maintenir suffisamment de chaleur corporelle dans les eaux plus fraîches. Des orques nouveau-nées ont même été déjà aperçues au large de l’Antarctique. C’est pourquoi cette explication ne convainc pas tout le monde.

Une autre idée postule que certaines baleines hivernent dans des eaux plus chaudes lorsque les zones polaires sont particulièrement froides et pauvres en proies. Et enfin, une troisième avance que les certaines espèces prennent la direction du nord (vers les tropiques) pour échapper aux orques prédatrices qui se font plus rares dans ces régions.

Ces explications peuvent effectivement s’appliquer dans certains cas. Cependant, s’agit-il pour autant des seules raisons ? Une étude récente menée auprès d’une famille d’orques propose un moteur différent.

Une migration express

Dans le cadre de ces travaux, des chercheurs de l’Oregon State University ont suivi par satellite les mouvements de 62 épaulards. Ces animaux marins sont connus pour effectuer des migrations hivernales de six à huit semaines, de l’Antarctique vers les eaux tropicales de l’Équateur. Ces allers-retours sont très rapides. Les orques se déplacent en effet très vite et une fois dans les tropiques, elles reviennent quasiment aussitôt.

Selon leurs données, il semblerait que ces orques n’entament pas ces migrations pour mettre bas. À un tel rythme, les nouveau-nés auraient en effet du mal à suivre les adultes. Le fait que les mâles participent également à ces mouvements express ne semble pas non plus accorder de crédit à cette théorie.

Non. Pour les chercheurs, si les orques parcourent autant de kilomètres en si peu de temps, c’est prendre soin de leur belle peau.

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Une mère drapée d’un film de micro-organismes accompagnée de son petit à la peau impeccable. Cela laisse à penser que ce dernier est né récemment en Antarctique. Crédits : A. Schulman ‐ Janiger, Pitman et al 2019

Un bon gommage

Lorsqu’elles évoluent en Antarctique où la nourriture abonde, les orques se drapent d’un épais film de micro-organismes. Il s’agit principalement de diatomées, une forme d’algues qui se fixent à leur peau avec des valves semblables à des ventouses comme on peut le voir ci-dessus.

Pour s’en débarrasser, les orques doivent diriger leur flux sanguin vers la peau. Néanmoins, il y a tellement à manger en Antarctique que ces animaux préfèrent maintenir suffisamment de chaleur corporelle pour privilégier cette recherche de nourriture. De fait, la matière organique s’accumule sur la peau des mammifères. Au bout de quelques semaines, elles ressemblent donc davantage à la coque d’un bateau qu’à de véritables orques.

Les chercheurs ont ensuite remarqué que la peau des orques revenues des tropiques était d’une propreté impeccable. Selon les chercheurs, si ces animaux opèrent un rapide voyage vers les eaux plus chaudes, c’est donc pour que le sang puisse de nouveau circuler vers la peau. Alors seulement, elles peuvent enclencher le processus de mue.

Fondamentalement, l’alimentation serait si bonne dans les eaux productives de l’Antarctique que l’épaulard à sang chaud, relativement petit, a développé un comportement de migration remarquable. Ces déplacements vers l’Équateur seraient finalement, pour les orques du moins, un peu comme des vacances au spa promettant un bon gommage de la peau.

« C’est une idée nouvelle et excitante« , a déclaré Joe Roman, de l’Université du Vermont, qui n’a pas participé à l’étude. « Cela nous amène à penser ces mouvements d’une autre manière« .

Cette étude publiée dans Marine Mammal Science ne se concentre ici que sur une unique population d’orques. Toutefois, les chercheurs suggèrent que de nombreuses autres espèces pourraient finalement opérer ce type de migrations pour les mêmes raisons. Des travaux supplémentaires seront néanmoins nécessaires pour le confirmer.

Robert Pitman, principal auteur de ces travaux, compte également se focaliser sur le potentiel rôle écologique de cette « peau décollée ». Par leurs excréments, leur urine, carcasse ou placenta, les baleines permettent en effet de soutenir une importante quantité de biomasse. Il serait donc intéressant de savoir si ces algues pourraient elles aussi permettre de nourrir d’autres espèces.

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