Les baleines à bec entrent en « mode furtif » pour échapper aux orques

baleine à bec
Une baleine à bec de Cuvier d'El Hierro, Canaries. Crédits : N. Aguilar ULL

Si les baleines à bec plongent si profondément dans l’océan, c’est pour éviter la prédation des orques, suggère une nouvelle étude.

Les baleines à bec (une vingtaine d’espèces) sont connues pour leurs plongées très profondes. Certains spécimens peuvent en effet chasser leurs proies à plus de 3 000 mètres sous la surface de l’océan. Un comportement qui a longtemps interrogé les chercheurs.

S’enfoncer à de telles profondeurs pèse en effet sur le métabolisme, la force et l’endurance des baleines. Les cachalots, par exemple, sont également connus pour évoluer en eaux très profondes, mais leur corps est beaucoup plus massif, ce qui veut dire qu’ils sont plus en mesure de supporter les conditions de pression extrêmes enregistrées dans les bas-fonds de l’océan.

Si les baleines à bec, plus frêles, s’obligent à supporter un tel environnement coûteux sur le plan énergétique, c’est qu’elles doivent avoir une bonne raison de le faire.

Pour tenter de le comprendre, Natacha Aguilar de Soto, de l’Université de La Laguna en Espagne, et Mark Johnson, de l’Université de St. Andrews en Écosse, se sont rendus au large des îles Canaries, des Açores et de la côte ligure italienne.

Après avoir repéré les baleines, les chercheurs ont placé sur leurs dos de petites étiquettes électroniques – fixées avec des ventouses – capables d’enregistrer leurs sons et mouvements pendant 24 heures. Grâce à ces dispositifs, les chercheurs ont été en mesure de suivre les comportements de 14 baleines à bec de Blainville et 12 baleines à bec de Cuvier.

Mode furtif

Ces données ont alors montré que les baleines effectuaient leurs plongées ensemble, et qu’une fois la descente entamée, toutes entraient en « mode furtif ». Autrement dit, elles restaient silencieuses. Elles ne commençaient à émettre leurs premiers sons qu’une fois plongées à 450 mètres de profondeur, après quoi tous les individus se séparaient de leur groupe social pour aller chasser de manière indépendante.

Toutes ces sessions de chasse duraient entre 25 à 30 minutes en moyenne. Les baleines se retrouvaient ensuite à des profondeurs de 760 mètres, où elles entraient de nouveau en « mode furtif » pour remonter. Toutes s’élevaient alors à un angle très faible, ce qui veut dire qu’elles réapparaissaient systématiquement dans une zone éloignée de l’endroit où elles avaient émis leur dernier son.

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Un groupe de baleines à bec de Blainville. Crédits : J Alcazar. Univ La Laguna

Éviter les orques à tout prix

Les chercheurs en sont à peu près certains : ces mammifères ont adopté ce comportement pour éviter les orques.

Les baleines à bec utilisent en effet des clics d’écholocalisation pour chasser leurs proies. La stratégie est efficace, mais elle a un effet collatéral : celui d’alerter les orques de leur présence. Et ces dernières, placées tout en haut de la chaîne alimentaire, n’hésitent pas à s’attaquer à ces petites baleines.

En restant silencieuses jusqu’à 450 mètres, les baleines réduisent alors les risques d’alerter les orques habituées à fréquenter les eaux peu profondes. Elles ont ensuite le champ libre pour aller chasser tranquillement.

Cette stratégie de survie est très coûteuse pour les baleines à bec. Les chercheurs ont en effet calculé que ces plongées de chasse profondes réduisent le temps de recherche de nourriture de plus de 35% par rapport aux stratégies de plongée peu profondes utilisées par d’autres baleines à dents. Mais visiblement, c’est le prix à payer pour éviter d’être mangées.

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