Où et quand la peste noire est-elle née ? Des chercheurs ont enfin la réponse

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Une représentation du XIVe siècle de la peste noire sur une fresque de l'ancienne abbaye de Saint-André-de-Lavaudieu, France.Le Crédits : Yogi Black

Où et quand la peste noire est-elle née ? Cette question a suscité de vifs débats parmi les historiens au cours de ces dernières décennies. Un groupe de chercheurs aurait finalement trouvé la réponse dans la pulpe des dents de plusieurs personnes enterrées au 14e siècle dans l’actuel Kirghizistan. Quant aux rongeurs véhiculeurs, il s’agirait de marmottes. Les détails de l’étude sont publiés dans Nature.

La peste noire, du nom de taches noires apparues sur le corps des concernés, est causée par une bactérie nommée Yersinia pestis. Celle-ci est véhiculée par des puces évoluant sur le corps des rongeurs. La maladie est toujours présente aujourd’hui. Cependant, les infections sont rares, car l’hygiène est bien meilleure qu’auparavant. Les infections sont par ailleurs facilement guéries au moyen d’antibiotiques.

Notez que la peste noire du XIVe siècle était en réalité la seconde grande épidémie de Y. pestis. La première était la peste de Justinien, au VIe siècle. Cependant, elle reste la plus connue, étant considérée comme l’une des épidémies les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité.

Déterminer l’origine de cette maladie a toujours été difficile, mais nous pourrions enfin avoir trouvé identifié ce fameux « point zéro ».

Remonter jusqu’au Big Bang

Cette chasse remonte à plus d’une décennie. À l’époque, un groupe de chercheurs dirigé par Wolfgang Haak et Johannes Krause, des Instituts Max Planck d’anthropologie évolutive en Allemagne, avait annoncé être capable d’identifier de l’ADN de Y. pestis dans les dents de squelettes infectés. Cette première étude impliquait des victimes de la peste à Londres.

Les Londoniens du XIVe siècle savaient que la peste noire frapperait bientôt à leur porte. En prévision, ils avaient alors préparé un cimetière à l’avance dans le but de pouvoir enterrer les victimes. Ces corps, depuis exhumés, sont aujourd’hui conservés au Musée de Londres. Pour l’équipe, la situation était idéale. Non seulement ils étaient certains que ces victimes provenaient d’un cimetière de pestiférés, mais la date de leur décès était également connue, ce qui facilite évidemment les recherches.

Depuis l’étude de Londres, le groupe a analysé le matériel génétique des victimes de la peste sur d’autres sites, le but étant de construire un arbre généalogique des variantes de la bactérie. Depuis, nous savons que cet arbre avait un tronc qui semblait tout à coup se diviser en quatre branches de souches de Y. pestis dont les descendants se retrouvent aujourd’hui chez les rongeurs.

L’objet de ces travaux était donc d’identifier ce fameux Big Bang, à savoir où et quand ces branches se sont divisées en premier lieu.

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Des victimes de la peste noire découvertes en Angleterre. Crédits : Université de Sheffield

De Londres au Kirghizistan

Dans le cadre de ces travaux, le Dr Philip Slavin, de l’Université écossaise de Stirling, a été chargé de suivre une piste près d’Issyk-Kul, un lac dans une région montagneuse à l’ouest de la Chine, dans l’actuel Kirghizistan. Deux cimetières chrétiens semblaient y abriter les corps de plusieurs victimes de la peste.

Pour son plus grand plaisir, le chercheur découvrit que des centaines de pierres tombales étaient datées avec précision. Certains portaient des inscriptions disant dans une langue ancienne, le syriaque, que la personne était morte de « peste ». En outre, le taux de mortalité de la population semblait avoir grimpé en flèche l’année de leur décès. C’était en 1338, soit sept ou huit ans avant que la peste noire ne débarque en Europe.

Les chercheurs ont finalement isolé de l’ADN de la peste dans les dents de ces trois personnes. Cette bactérie proviendrait bien du tronc ayant explosé en quatre souches. Ils rapportent également que les rongeurs ayant transmis la bactérie à ces victimes étaient des marmottes. Celles de la région ont aujourd’hui des puces porteuses d’un type de Y. pestis qui semble dériver directement de la souche ancestrale.

Si la découverte se confirme, alors la propagation de la peste s’est très probablement faite par les routes commerciales et non par des actions militaires un siècle plus tôt comme certains historiens l’ont suggéré.