Nous devons les sons « f » et « v » à l’agriculture, et voici pourquoi !

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Crédits : Pixabay

Il fut un temps où nos ancêtres ne pouvaient pas facilement produire les sons « f » et « v », révèle une étude surprenante. La raison pour laquelle nous le pouvons aujourd’hui est liée à l’introduction d’aliments mous dans nos régimes alimentaires.

Les anthropologues et les linguistes ont toujours présumé que l’inventaire de tous les sons de parole possibles utilisés par les humains était inchangé depuis l’émergence de notre espèce, il y a 300 000 ans. Mais est-ce vraiment le cas ? Une étude publiée dans Science assure que non. Selon une équipe de l’Université de Zurich, les sons « f » et « v » n’ont été introduits que récemment dans le lexique humain. Une sorte « d’effet secondaire » de la révolution agricole. L’introduction dans notre régime d’aliments mous aurait en effet modifié notre façon de mâcher et, par la suite, notre façon de parler.

Des aliments plus tendres

Les sons « f » et « v » sont ce que les linguistes appellent des consonnes labiodentales. Autrement dit, des sons produits en pressant nos dents supérieures sur notre lèvre inférieure. Si ce genre de manipulation peut nous sembler évident aujourd’hui, il semblerait que cette capacité nous ait été permise il y a quelques milliers d’années seulement. « Il y a environ 8 000 ans, alors que les humains passaient de modes de vie essentiellement carnivores à l’agriculture, les aliments consommés par nos ancêtres devenaient plus tendres, ce qui a eu un effet prononcé sur leur mâchoire », peut-on lire.

Plus précisément, au lieu d’une morsure dite « bord à bord » utilisée par les chasseurs-cueilleurs, qui devaient déchirer de la chair dure, les nouveaux agriculteurs ont peu à peu conservé la supraclusion juvénile qui disparaît généralement à l’âge adulte. La mâchoire supérieure se place alors légèrement en avant par rapport à la mâchoire inférieure, permettant ainsi de faciliter la consommation d’aliments mous (bouillie, soupe, gruaux, formages, etc.). Par la suite, cette caractéristique anatomique aurait alors favorisé la prononciation des sons « f » et « v ».

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En haut la représentation d’une occlusion dentaire où les incisives supérieures ont une légère proéminence vers l’extérieur. En bas une occlusion dentaire bord à bord, caractéristique d’une alimentation plus dure, nécessitant une forte mastication. Crédits : Scott R. Moisik/Tímea Bodogán/Dan Dediu

29 % d’énergie en moins

Les modèles informatiques biomécaniques utilisés dans l’étude confirment en effet qu’il faut en moyenne 29 % d’énergie en moins pour produire des consonnes labiodentales avec ce type de mâchoire. Et ça se ressent encore aujourd’hui chez certaines populations de chasseurs-cueilleurs, comme au Groenland, en Afrique du Sud ou en Australie, où les sons « v » et « f » sont quasi-inexistants.

« Cette étude sera une surprise pour de nombreux experts en langage, a déclaré Tecumseh Fitch, expert en bioacoustique et en évolution du langage à l’Université de Vienne. L’étude est un tour de force interdisciplinaire combinant des méthodes de biomécanique, de bioacoustique, de linguistique comparative et historique pour donner un nouveau souffle à une vieille hypothèse : les changements de structure de la bouche provoqués par les changements alimentaires ont façonné les changements historiques de langage ».

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