Modification du Nutriscore, « Origine Score », fin des « steaks » végétaux : quand la valse des dénominations alimentaires donne le tournis

steack végétal
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En plein salon de l’agriculture, plusieurs annonces viennent semer le trouble dans l’esprit des consommateurs. Ainsi de l’apparition prochaine d’un « Origine Score » ou de la nouvelle mouture du Nutriscore, d’après laquelle certains produits hier déconseillés sont, aujourd’hui, recommandés. Ou comment des initiatives supposées aider le consommateur à y voir plus clair aboutissent au résultat inverse.

C’est une nouvelle qui ne va pas réjouir les végans, végétariens et autres flexitariens plus ou moins convaincus. Alors que le salon de l’agriculture bat son plein et que les questions liées à l’alimentation (inflation, rémunération des agriculteurs, origine des produits, etc.) font la Une de l’actualité française, le gouvernement a publié, le mardi 27 février, un décret interdisant aux producteurs de substituts végétaux de se prévaloir de dénominations faisant référence au caractère supposément « animal » de tel ou tel produit. Adieu donc les « steaks végétaux », « jambons végans » et autres « escalopes au soja », qui devraient disparaître sous peu des rayons – ou, plus simplement, changer de nom.

Ce faisant, le gouvernement fait droit à une revendication de longue date des acteurs de la filière animale, selon lesquels ces dénominations tendraient à induire les consommateurs en erreur. Un premier décret en ce sens avait, d’ailleurs, été publié en 2022, avant d’être retoqué par le Conseil d’État. Sans surprise, cette décision a fait bondir les marques spécialisées dans l’alimentation végétale comme les élus écolos, qui dénoncent un mauvais signal envoyé par les autorités alors que l’élevage représente 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais aussi une forme d’inégalité de traitement avec les entreprises étrangères qui, elles, pourront continuer de commercialiser dans les rayons français leurs « saucisses » et « biftecks » végétaux.

Le Nutri-score change encore de formule : pour le meilleur… et le pire ?

Pas sûr, donc, que le consommateur y gagne en visibilité. Que l’on soit un irréductible viandard ou un amoureux du soja, faire ses courses au supermarché va, à nouveau, être synonyme de casse-tête. Car non seulement les noms de certains produits sont-ils appelés à évoluer, mais également la manière dont ceux-ci sont notés par le Nutri-score. En effet, le label alimentaire, adopté depuis 2017 par la France et une poignée d’autres pays européens, a fait peau neuve en ce début d’année. Sur le papier, les changements dans la méthode de calcul de l’algorithme du Nutri-score semblent répondre à de légitimes attentes et corriger certaines incongruités. Ainsi, par exemple, des sodas contenant des édulcorants, qui bénéficiaient jusqu’alors d’un incompréhensible « B » et qui devraient, à l’avenir, voir leur note sensiblement dégradée.

Au contraire, les notes de certains poissons gras et des huiles riches en bonnes graisses devraient être améliorées, de même que celle de la volaille par rapport à la viande rouge. Enfin, les produits à base de farine complète seront mieux notés, à la différence des « céréales » du petit-déjeuner, bourrées de sucre, qui pourraient voir leur note baisser. Du simple bon sens ? Peut-être, mais encore va-t-il falloir expliquer aux mères de famille comment le bol de céréales préférées de leurs bambins, noté « A » pendant des années, se retrouve aujourd’hui affublé d’un médiocre « C » ; ou aux consommateurs qui avaient pris l’habitude de se détourner, à tort, de l’huile d’olive, qu’ils peuvent désormais arroser leurs salades et autres mets sans trop se soucier des conséquences sur leur ligne et sur leur santé.

Les autorités sanitaires reconnaitront-elles qu’elles ont, pendant des mois voire des années, envoyé des messages trompeurs aux consommateurs ? Les changements à répétition de l’algorithme du Nutriscore ne risquent-ils pas de créer ou de renforcer ce même sentiment de confusion contre lequel le label alimentaire se proposait initialement de lutter ? De guerre lasse, les consommateurs accorderont-ils encore leur confiance à un logo qui leur envoie de si contradictoires signaux ? Enfin et surtout, ce nouveau coup de pied dans la fourmilière ne risque-t-il pas de dissuader les industriels eux-mêmes qui, à l’image de la marque Bjorg, pourrait choisir de faire tout simplement disparaître le Nutriscore – dont l’apposition reste facultative – de leurs emballages ?

Bientôt un « Origine Score » ?

Alors que la ministre de la Consommation Olivia Grégoire, qui plaide pour « plus de transparence sur les produits transformés » afin de « mieux informer les consommateurs», vient de se prononcer pour l’introduction prochaine d’un « Origine Score » supposé doper le « made in France », cette multiplication des allégations, scores et notes en tout genre sur les emballages alimentaires illustre une forme de fuite en avant bureaucratique et de course à la surinformation. Un cercle vicieux qui produit presque toujours les effets inverses de ceux recherchés, ni la défiance vis-à-vis de l’agro-industrie, ni la courbe tendancielle de l’obésité et du surpoids n’ayant, pour ne prendre que ces deux exemples, pâti de la généralisation du Nutriscore. En attendant l’avènement du QR-Code sur les emballages, qui pourrait en un simple clic remplacer la cohorte des logos et labels, mieux vaut donc se fier au traditionnel tableau nutritionnel qui fournit, depuis des décennies, toutes les informations nécessaires.