Ils tentent de restaurer la steppe de l’époque glaciaire avec un « parc du Pléistocène »

La faune de l'âge glaciaire. Crédits : Wikipédia

Il existe en Sibérie un « parc du Pléistocène », peuplé par de nombreux grands animaux herbivores. L’idée ? Reconstituer le paysage d’autrefois, où se mêlaient mammouths et rhinocéros laineux, dans le but lutter contre le réchauffement de la planète.

Il y a des dizaines de milliers d’années, les steppes de Sibérie n’étaient pas aussi blanches. De vastes prairies tapissaient les sols, piétinées par de nombreux gros animaux herbivores tels que les mammouths, les rhinocéros laineux, les chevaux ou les bisons. À la fin de l’ère glaciaire, la plupart de ces animaux ont disparu, entraînant dans la foulée d’importants changements dans le paysage. L’herbe a eu plus de mal à pousser, et le pergélisol s’est installé. Sauf que maintenant, celui-ci est en train de dégeler, menaçant de libérer des quantités folles de méthane dans l’atmosphère.

Cercle vicieux

À mesure que les températures mondiales augmentent, la fonte des terres gelées en Sibérie libère en effet le puissant gaz à effet de serre enfoui dans le sol, intensifiant davantage le réchauffement de la planète. C’est un cercle vicieux. On note par exemple que, selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), une hausse des températures mondiales de 1,5°C pourrait potentiellement entraîner la fonte de 4,8 millions de mètres carrés de ces terres gelées. Il y a donc urgence. Alors, comment endiguer le problème ?

Une équipe de chercheurs russes eut l’idée, à la fin des années 1980, de clôturer une parcelle de terre pour tenter de recréer le paysage d’autrefois. Si les mammouths et les rhinocéros laineux ont disparu, d’autres grands animaux peuvent aujourd’hui prendre le relais. Dans ce « parc du Pléistocène » de 16 kilomètres carrés, situé en Sibérie, se côtoient aujourd’hui chevaux, élans, rennes ou encore bœufs musqués. En piétinant les sols gelés et en broutant les herbes, ces grands animaux sont désormais à même de pouvoir, d’une part entraîner la repousse des prairies, et d’autre part de compacter la neige qui met de ce fait beaucoup plus de temps à fondre.

Sibérie boeufs musqués
Remplir un « parc » clôturé en Sibérie avec de grands herbivores pourrait aider à transformer le paysage. Crédits : Wikipédia

Et ça marche

L’effet est ici double. En favorisant la repousse des prairies, vous permettez de stocker davantage de carbone atmosphérique dans le sol. Parallèlement, le fait de retarder la fonte du pergélisol permet de ralentir les émanations de méthane libéré des sols. Les premiers animaux sont arrivés en 1988, et depuis l’écosystème semble s’être adapté. Des analyses ont en effet révélé que le sol recouvert d’herbes et d’arbustes retient effectivement davantage de carbone dans le sol qu’aux alentours du parc.

«Là où nous avions le plus d’animaux et les herbes les plus hautes, nous avions la teneur la plus élevée en carbone dans le sol, explique Nikita Zimov, de l’Académie des sciences de Russie et directrice du parc. Les zones fortement pâturées présentaient également un stockage de carbone plus important que les zones dépourvues de pâturage».

C’est ainsi que les grands herbivores peuvent aujourd’hui contribuer à préserver le pergélisol en reproduisant ce que faisaient leurs prédécesseurs parcourant la toundra d’autrefois : brouter l’herbe et piétiner les couches de neige. «Cela permettra au sol de se refroidir et de prolonger la durée de vie du pergélisol dans l’Arctique, ce qui nous permettra de gagner du temps», conclut la chercheuse.

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