Fusée SLS : le problème de l’hydrogène liquide

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Crédits : Cristobal Herrera-Ulashkevich

La NASA cherche à lancer une fusée en grande partie « bricolée » avec des éléments de la navette spatiale elle-même développée il y a plus de quatre décennies. À leur époque, ces navettes essuyaient régulièrement des problèmes techniques liés à l’hydrogène liquide. Il n’est donc pas surprenant que le premier lancement de la fusée SLS ait déjà été reporté deux fois. Mais pourquoi ce carburant pose-t-il autant de soucis ?

Vaillamment, l’équipe d’ingénieurs a tenté à trois reprises de colmater la fuite, en vain. Après s’être retirés de la tentative de lancement ce samedi, les responsables d’Artemis 1 ont décidé de renoncer à d’autres tentatives début septembre. La suite dépendra des ingénieurs et techniciens qui inspecteront le véhicule sur la rampe de lancement ce lundi 5 septembre.

Si l’équipe décide qu’elle peut remplacer le matériel sur le pad, il sera peut-être possible d’effectuer un test de ravitaillement partiel pour déterminer l’intégrité du correctif. Cela pourrait permettre de garder le véhicule sur la plateforme avant le prochain lancement. Si tel est le cas, la NASA aurait l’occasion de lancer sa mission du 19 septembre au 4 octobre prochains.

Cependant, profiter de cette fenêtre nécessiterait d’obtenir une dérogation de l’US Space Force. Le système de terminaison de vol, qui permet de détruire la fusée en vol en cas de problème, est en effet alimenté avec des batteries d’une durée de vingt-cinq jours. La NASA devrait ici étendre cette capacité à environ quarante jours, d’où la dérogation.

Alternativement, les ingénieurs pourraient décider de réparer le véhicule à l’intérieur du bâtiment d’assemblage. Si tel est le cas, alors la mission Artemis 1 pourrait être lancée du 17 octobre au 31 octobre prochains.

Hydrogène liquide

L’hydrogène est l’élément le plus léger de l’Univers. Et parce qu’il est si petit, il peut se faufiler à travers les plus petits espaces. Ce n’est pas vraiment un problème à des températures et pressions ambiantes. En revanche, ça devient beaucoup plus compliqué à des températures cryogéniques et à des pressions élevées. Dans ces conditions, l’hydrogène profite de chaque espace disponible et s’échappe facilement.

Revenons maintenant à la SLS. Pour maintenir les réservoirs de carburant remplis, les lignes de propulseur provenant des systèmes au sol doivent rester attachées au propulseur jusqu’au dernier moment. Juste avant le lancement, les « déconnexions rapides » à la fin de ces lignes se détachent alors de la fusée. Le problème est que pour être à l’abri des défaillances lors de la déconnexion, cet équipement ne peut être suffisamment boulonné pour empêcher entièrement le passage des atomes d’hydrogène. Il est en effet très difficile de sceller ces connexions sous haute pression et à basse température.

La NASA tolère donc une très légère fuite d’hydrogène à chaque lancement. Cette limite est fixée à 4%. Au-delà, l’agence considère que le risque d’inflammabilité est trop important. Samedi dernier, le seuil de tolérance avait été largement dépassé, d’où le report du lancement.

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La fusée SLS sur sa rampe de lancement. Crédits : NASA-J. Kowlsky

Faire du neuf avec de l’ancien

Mais alors, pourquoi utiliser de l’hydrogène liquide si cet élément est si difficile à manipuler ? L’une des raisons est que l’hydrogène est un carburant très efficace. Cependant, la véritable raison est davantage politique. En 2010, lorsque le Congrès a rédigé le projet de loi conduisant à la création de la SLS, il a ordonné à la NASA d’utiliser les contrats et investissements, la main-d’œuvre, la base industrielle et autres capacités existants de la navette spatiale, entre autres anciens projets. Cela incluait donc les systèmes de propulsion de ces navettes. Autrement dit, le Congrès américain a demandé à la NASA de retourner sur la Lune en « bricolant » du neuf à partir du vieux.

Or, tout comme la SLS aujourd’hui, les navettes spatiales mêlaient l’utilisation de propulseurs à fusée solide avec des moteurs principaux alimentés par la combustion d’un propulseur à hydrogène liquide et d’oxygène liquide pour servir d’oxydant. Cette approche permettait de créer un carburant efficace, mais les problèmes techniques étaient aussi très courants. Certains vols de navette ont même été reportés jusqu’à cinq fois avant de finalement décoller, le plus souvent à cause de ces fuites d’hydrogène.

Celle de samedi ne sera donc probablement pas la dernière.