Quel rôle la fertilisation de l’océan a-t-elle joué lors des cycles glaciaires ?

Crédits : NASA Visible Earth.

L’étude d’un carottage sédimentaire récemment prélevé en mer de Scotia infirme l’idée selon laquelle la diminution du CO2 qui accompagne les âges glaciaires est liée à la fertilisation de l’océan glacial antarctique par le fer. Les résultats ont été publiés ce 19 avril dans la revue Nature Communications.

Le transport de poussière depuis les continents vers les océans peut stimuler la croissance des algues marines (phytoplancton, etc.), conduisant à une absorption accrue de dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique. Ce processus qui implique notamment des oxydes ferriques aurait contribué à la diminution de la concentration de l’air en CO2 lors des périodes glaciaires.

En effet, un monde froid est globalement un monde plus sec. De fait, la quantité de poussière en circulation dans l’atmosphère est augmentée en période glaciaire et diminuée en période interglaciaire. Toutefois, malgré ce fait établi, la fertilisation de l’océan par le fer et son importance dans les variations passées du dioxyde de carbone reste sujet à controverse.

La fertilisation périantarctique révélée par un carottage sans précédent

De récentes données de terrain obtenues près de l’Antarctique, une zone où l’existence de cet effet est particulièrement questionnée, viennent éclairer le débat. La carotte sédimentaire prélevée en 2019 sur le fond marin de la mer de Scotia a permis de reconstruire les variations des apports en poussière et l’ampleur de la fertilisation depuis 1,5 million d’années.

« Nous avons collecté les archives climatiques les plus précises et les plus longues jamais obtenues près de l’Antarctique et sa principale source de poussière, la Patagonie », rapporte Michael Weber, auteur principal de l’étude et l’un des trente-huit chercheurs qui ont participé à ce projet dans le cadre du programme international Integrated Ocean Discovery Program (Programme International de Découverte des Océans, IODP).

Sections de la carotte sédimentaire prélevée en mer de Scotia, prêtes à l’analyse de laboratoire. Crédits : IODP.

Une opposition de phase entre apports de poussière et productivité océanique

La carotte de deux cents mètres de long a d’une part confirmé les apports accrus de poussières en période glaciaire jusqu’à quinze fois supérieurs à ceux enregistrés lors des périodes interglaciaires. Elle montre d’autre part que contrairement aux attentes, l’effet fertilisant est plus important lors des périodes chaudes, autrement dit quand les apports de poussière sont diminués. La productivité océanique est alors augmentée par un facteur deux à cinq.

Il existe ainsi une opposition de phase entre la courbe des apports en poussière et celle associée à l’effet fertilisant, en particulier depuis 400 000 ans. Par conséquent, il apparaît que c’est l’extension des glaces de mer et la stratification augmentée de l’océan en période glaciaire qui ont préservé le CO2 sous la surface des eaux antarctiques plutôt que le mécanisme de fertilisation par le fer.

« Notre étude montre que les fluctuations du CO2 atmosphérique ne dépendent pas uniquement de la fertilisation par le fer liée aux dépôts de poussière », relate Michael Weber. « Dans l’océan Antarctique, il s’agit plutôt d’une interaction complexe entre les vents d’ouest, la productivité et la rétroaction avec la glace de mer. Cette relation est restée constante au cours des 1,5 million d’années passées ».