L’épisode hyperthermique du Paléocène-Éocène serait un produit de la tectonique des plaques

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Crédits : Alec Brenner, Harvard University

La libération massive de dioxyde de carbone responsable de l’épisode hyperthermique du Paléocène-Éocène trouverait son origine dans la tectonique des plaques, et plus précisément dans l’éclatement continental qui a ouvert la partie nord de l’océan Atlantique. C’est en tout cas ce que soutient une étude publiée ce 23 juin dans la revue Nature Geoscience.

Il y a 56 millions d’années, la température déjà notablement élevée de la Terre a augmenté de 5 °C à 8 °C en une dizaine de milliers d’années. Cet épisode extrême est lié à l’injection brutale de CO2 dans l’atmosphère par le volcanisme et porte le nom de maximum thermique du Paléocène-Éocène. Ce dernier a duré quelque 170 000 ans et s’est accompagné d’extinctions marines et terrestres.

La tectonique des plaques à l’œuvre

Selon une nouvelle étude, cette phase volcanique serait le résultat de la séparation de plusieurs masses continentales dans ce qui deviendra par la suite l’Atlantique Nord. « Il est généralement admis qu’une libération soudaine et massive de dioxyde de carbone depuis l’intérieur de la Terre a dû être à l’origine de cet événement, mais l’ampleur et le rythme du réchauffement sont très difficiles à expliquer par les processus volcaniques conventionnels », relate Thomas Gernon, auteur principal du papier.

Or, en étudiant une carotte sédimentaire forée au fond de l’Atlantique, les chercheurs ont découvert la trace d’un important épanchement magmatique correspondant à la période du maximum thermique du Paléocène-Éocène et d’une durée de 200 000 ans. Cette observation est corroborée par divers carottages provenant d’autres parties de l’océan, chacun rapportant la présence d’un vaste épanchement de lave il y a environ 56 millions d’années.

Illustration du maximum thermique lors de la transition Paléocène-Éocène, il y a 56 millions d’années sur la température du fond des océans. Notez également le lent refroidissement au fil des millions d’années depuis lors. Crédits : NOAA.

L’hypothèse avancée par les chercheurs est la suivante. Suite à l’amincissement et à la réduction de la pression du manteau supérieur dans la zone de divergence des plaques, la tectonique aurait provoqué une fusion massive des roches subcrustales et alimenté un volcanisme effusif de grande ampleur. Toutefois, si l’explication s’arrêtait là, on pourrait arguer que le phénomène n’est pas atypique en soi et se demander pourquoi cet épisode précis aurait provoqué un tel bouleversement climatique.

« Cette découverte est significative, car nous savons que des parties du manteau continental de cette région sont enrichies en carbonates, une source majeure de carbone », explique Thomas Gernon. « Cette augmentation rapide de la fonte du manteau a probablement libéré un très grand volume de carbone, certainement plus que ce à quoi nous nous attendions auparavant ».

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Carottes sédimentaires exposées dans l’Integrated Ocean Drilling Program (Allemagne). Crédits : Thomas Gernon / Université de Southampton.

Quelles masses continentales se sont séparées ?

Les reconstructions paléogéographiques permettent de montrer que les contraintes d’étirement et la fonte du manteau ont correspondu à la séparation du Groenland et de l’Amérique du Nord de l’Europe, précédant de fait l’ouverture de la partie nord-est de l’océan Atlantique. L’origine de l’épisode hyperthermique serait ainsi tectonique, rompant avec l’idée répandue selon laquelle cette dernière n’amènerait que des changements climatiques sur le très long terme.

Pour tenter d’estimer la quantité de carbone libérée via ce mécanisme, les chercheurs ont utilisé des modèles de tectonique et de géochimie. Les simulations donnent une valeur de l’ordre de dix-mille milliards de tonnes de carbone mobilisées en seulement quelques milliers d’années. « Des événements aussi rapides provoquent une réorganisation fondamentale de l’environnement de surface de la Terre, modifiant de vastes écosystèmes », souligne Thomas Gernon.