Les effets du captagon, drogue utilisée par les combattants djihadistes

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Au mois de juin dernier à Port El-Kantaoui en Tunisie, Seifeddine Rezgui faisait 39 morts et autant de blessés. Son autopsie révélera qu’il était sous l’emprise d’une drogue, le captagon. Un neurobiologiste explique quels sont les effets de cette substance.

Après les attaques terroristes qui ont frappé la Tunisie le 26 juin dernier, menées par Seifeddine Rezgui, 23 ans, les témoignages faisaient état d’un homme qui souriait et riait pendant la tuerie. Ces derniers jours, des témoignages qui font suite aux attaques ayant eu lieu ce vendredi 13 novembre parlent d’hommes au comportement également déshumanisé. Une hypothèse avance le fait qu’ils aient été sous l’emprise de captagon, la drogue utilisée par le responsable de l’attaque en Tunisie, et très prisée des combattants djihadistes.

Substance stimulante, le captagon est à placer dans la famille des amphétamines. Stimulant la concentration et la production de dopamine, il avait été prescrit en France dans le traitement contre la narcolepsie et l’hyperactivité, jusqu’à ce qu’il soit retiré du marché en 1993 car il provoquait de graves lésions cardiaques. Depuis 1986, il est placé sur la liste des substances stupéfiantes.

Interrogé par le magazine Sciences et Avenir, le Pr Jean-Pol Tassin, neurobiologiste de l’INSERM et spécialiste des addictions, explique les effets de cette drogue. « Comme toutes les autres amphétamines, cette drogue entraîne une résistance à la fatigue, une vigilance accrue et une perte de jugement. Elle donne l’impression à celui qui la consomme d’être tout puissant, d’être le “roi du monde” en quelque sorte ». L’acte de tuer devient alors dénué de sens humain, et la crainte n’existe plus.

« Plus précisément, au niveau moléculaire, la fénéthylline pénètre dans les neurones et chasse deux neurotransmetteurs, la noradrénaline et la dopamine, présente dans les vésicules. La libération de noradrénaline hors des neurones augmente la vigilance et réduit le sentiment de fatigue. La dopamine, elle, agit notamment sur le circuit de la récompense, responsable de la sensation de plaisir et, à haute dose, de l’addiction » poursuit le neurobiologiste.

Des effets qui ne concernent pas que le cerveau. « Le captagon augmente la libération du glucose stocké dans les cellules musculaires, ce qui permet de prendre du muscle sans fournir d’effort. De plus, la libération de noradrénaline accélère significativement le rythme cardiaque » explique le Pr Jean-Pol Tassin. Ensuite vient la fatigue et sans sommeil, place à la descente. « Les individus ressentent une fatigue intense, une psychose, des fonctions mentales altérées, l’alternance de phases d’euphorie et de dépression. C’est un peu comparable aux effets d’une nuit blanche sur le cerveau ». Mais malgré la fatigue, l’euphorie est telle que ni la peur ni la douleur ne se font ressentir. À Homs, en Syrie, un officier de la brigade des stupéfiants racontait à Reuters : « On les frappait et ils ne ressentaient pas la douleur. La plupart d’entre eux rigolaient alors qu’on les bourrait de coups ».