Des scientifiques découvrent que les méandres du Gulf Stream sont une source de fer qui régule la biologie de l’Atlantique subtropical

Crédits : NASA/Wikimedia Commons.

Des chercheurs ont découvert que les méandres du Gulf Stream transportent une quantité significative d’oligo-éléments – dont le fer – vers le centre de l’océan atlantique subtropical qui en est appauvri. Ces éléments sont essentiels pour la survie et le développement d’organismes tels que le phytoplancton ou les cyanobactéries, qui jouent un rôle clé dans les cycles biogéochimiques de notre planète. Jusqu’à présent, on pensait que c’était essentiellement les poussières sahariennes qui participaient à cet apport. 

Pour pouvoir se développer, les petits organismes qui vivent dans la partie supérieure de l’océan – tels que les algues, les cyanobactéries ou le phytoplancton – ont besoin d’éléments présents à l’état de traces dans l’environnement, comme le zinc, le phosphore ou le fer. Or ce dernier n’est souvent disponible qu’en très faible quantité, et agit ainsi comme un facteur limitant pour la prolifération des organismes cités. C’est par exemple le cas dans la zone du gyre subtropical de l’atlantique nord. Ce gyre est un vaste tourbillon océanique anticyclonique maintenu par les vents moyens, avec une remontée d’eau chaude sur le flanc ouest – dont le Gulf Stream fait partie – et une descente d’eau plus froide sur le flanc est, près des îles Canaries.

Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que l’essentiel de l’apport en fer au niveau du gyre subtropical de l’atlantique nord provenait des poussières sahariennes. Chaque année et essentiellement durant la saison chaude, il y’a en effet des épisodes où d’importantes quantités de particules désertiques sont aspirées en altitude dans la zone saharienne. Elles sont ensuite advectées vers l’océan Atlantique tropical et subtropical en lien avec les vents d’est dominants à ces latitudes. En traversant l’Atlantique d’un bout à l’autre, une partie des poussières (et le fer qu’elles contiennent) retombent vers la surface et alimentent l’activité biologique de l’océan supérieur.

Or, une découverte faite un peu par hasard vient nuancer cette perspective. En examinant de récentes données qui avaient été recueillies par bateau lors d’une campagne de recherche, deux scientifiques ont observé que les méandres du Gulf Stream transportaient une quantité significative de fer ainsi que d’autres oligo-éléments vers l’intérieur du gyre ! À proximité du célèbre courant, ils ont en effet remarqué la présence d’une quantité élevée de zinc et de fer, dans une zone qui en était normalement quasi-dépourvue.

Selon l’étude publiée dans la revue Nature Geoscience, il s’avère que l’eau froide d’origine polaire enrichie en fer, zinc, etc. qui descend vers le sud tout en longeant la côte est de l’Amérique du Nord est finalement capturée par les méandres du Gulf Stream et propulsée vers le gyre subtropical sous forme de tourbillons dépressionnaires. Les plus gros ont un diamètre de près de 200 kilomètres et s’étendent jusqu’à 1000 mètres de profondeur. Leur durée de vie est d’approximativement 2 ans, au cours desquels ils se mélangent progressivement avec l’eau du gyre et l’enrichissent en oligo-éléments. « La quantité de fer provenant de cette source est probablement du même ordre de grandeur que celle fournie par la poussière saharienne, car les tourbillons du Gulf Stream se forment constamment, alors que les tempêtes de poussière sont généralement de courte durée » explique Gregory F. de Souza qui a participé à la publication de ces nouveaux travaux. Toutefois, la  marge d’erreur est large car la quantification du taux de fer apporté par les tourbillons par rapport à celui provenant des poussières sahariennes reste difficile à évaluer et fera l’objet de futures recherches.

Ces nouvelles données sont précieuses car l’apport de fer, de zinc et d’autres éléments stimule la productivité biologique de l’océan qui joue un rôle clé dans le cycle de l’azote et du carbone. Comprendre comment cet apport s’effectue permettra de mieux comprendre le fonctionnement du climat et de ses changements actuels et futurs.

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