Que ce soit par choix ou par nécessité, certaines mères ne peuvent pas allaiter naturellement leur enfant. C’est la raison pour laquelle il existe des alternatives. Composées d’un mélange de matières grasses, de protéines, de glucides, de vitamines et de minéraux, ces préparations pour nourrissons sont élaborées pour répondre à leurs besoins nutritionnels, le but étant de se rapprocher autant que faire se peut des qualités nutritionnelles du lait maternel, même si une parfaite imitation est impossible. Une question se pose alors : comment faisaient les gens avant que ces formules modernes n’arrivent dans les rayons des magasins ?
Le rôle clé des nourrices
Au cours de ces derniers siècles, si la plupart des femmes allaitaient, beaucoup étaient aux prises avec une faible production de lait liée à des maladies que l’on ne pouvait pas diagnostiquer à l’époque. Par ailleurs, les femmes mouraient en couches à des taux beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui, laissant derrière elles des nourrissons qui avaient besoin de nourriture.
Les parents se sont alors tournés vers des nourrices dès 2000 avant notre ère quand la mère ne pouvait pas allaiter son ou ses enfants. Certaines étaient des esclaves, d’autres des volontaires. De 950 av. J.-C. à 1800 apr. J.-C., c’est même devenu une profession bien encadrée. De 100 apr. J.-C. à environ 400 apr. J.-C., plusieurs auteurs ont même répertorié les qualifications d’une bonne nourrice.
Par exemple, Soranus d’Éphèse a composé un traité d’obstétrique et de gynécologie. Il décrivait notamment le test de l’ongle utilisé pour évaluer la qualité et la consistance du lait maternel. Lorsqu’une goutte de lait maternel était placée sur un ongle et que le doigt bougeait, le lait n’était pas censé être si liquide qu’il coulait sur toute la surface de l’ongle. Lorsque l’ongle était tourné vers le bas, le lait ne devait pas être assez épais pour s’accrocher à l’ongle. La consistance du lait devait se situer entre les deux extrêmes. Ce critère aurait été utilisé pendant les 1 500 années suivantes pour déterminer la qualité du lait maternel.
Galien de Pergame conseillait également les nourrices sur la façon d’apaiser les nourrissons en emmaillotant, en berçant et en chantant des berceuses. Pour le médecin romain Oribase, elles devaient aussi s’astreindre du travail physique en plus de leurs obligations de nourrices, comme des mouvements de la poitrine et des épaules pour améliorer l’écoulement du lait.

Crédit : iStock
Crédits : stevanovicigor/iStockLes autres alternatives
Les femmes qui ne pouvaient pas allaiter ou qui n’avaient pas accès à une nourrice se tournaient souvent vers le lait animal. La plupart utilisaient du lait de vache, mais on utilisait aussi le lait de chèvre, d’ânesse, de chamelle, de jument ou encore de truie, selon l’endroit où vivaient les parents et ce qui était disponible.
Une autre méthode courante aux 16e et 19e siècles consistait à faire un mélange appelé pap ou panada. Ces préparations pour nourrissons étaient composées de pain trempé dans du lait ou de céréales cuites dans de l’eau. On donnait les tambouilles aux bébés avec une cuillère conçue pour être douce pour les gencives, avec un chiffon imbibé ou un appareil spécial appelé bateau à papa. Il s’agissait d’un petit récipient en forme de bateau avec une ouverture sur le dessus pour y placer la préparation. Le bébé pouvait ainsi téter ou sucer le mélange à travers une petite ouverture prévue à cet effet.
Cependant, à ces époques, on ignorait encore l’importance de stériliser les objets. Ainsi, au début du 19e siècle, un tiers de tous les bébés nourris avec ces dispositifs d’alimentation, qui pouvaient avoir été mal nettoyés ou contenir du lait gâté, ne passaient pas leur première année de vie. Cette association n’a été comprise que lorsque le public accepta la théorie des germes. Entre 1890 et 1910, l’accent a ensuite été mis sur la propreté et l’amélioration de la qualité de l’approvisionnement en lait.

Crédit : iStock
Crédits : Ekkasit Jokthong/iStockLes premières préparations pour nourrissons
Finalement, des chimistes ont décidé d’essayer d’imiter plus étroitement le lait maternel humain. En 1865, Justus von Liebig aurait créé ce que l’on pense être les premières préparations pour nourrissons au monde. Elles étaient composées de blé, de lait de vache, de farine de malt et de bicarbonate de potassium. En 1867, l’aide-pharmacien Henri Nestlé lança ensuite la « Farine Lactée Nestlé ». Cette préparation contenait des ingrédients similaires, mais elle était plus facile à préparer. Puis, vers la fin des années 1880, d’autres marques leur ont emboîté le pas. Cependant, toutes ces préparations manquaient encore de certaines des vitamines nécessaires à la santé du nourrisson.
Dans le même temps, une autre étape importante dans les préparations pour nourrissons a également été le développement de la mise en conserve des aliments, ce qui a donné naissance au lait condensé et au lait évaporé. Ces deux types de lait étaient plus concentrés en nutriments et en calories. Enfin, la première formule sans poudre est arrivée sur le marché en 1951. Ce fut un tournant dans le monde moderne. Très vite, ces préparations sont devenues la méthode d’alimentation de choix pour de nombreux parents.
