Climat : une évolution vers des cyclones tropicaux plus pluvieux et venteux ?

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Crédits : NASA / LANCE-EOSDIS Rapid Response.

Les ouragans majeurs de ces dernières décennies ont vu leur activité pluvieuse moyenne renforcée de 5 à 10 % par le réchauffement global, tel que le révèle une étude d’attribution novatrice portant sur 15 d’entre eux. À l’avenir, les quantités d’eau précipitées et la vitesse des vents associés à ce type de perturbations devraient s’accentuer substantiellement si la température moyenne planétaire poursuit sa tendance à la hausse.

À l’heure actuelle, il n’existe pas encore de consensus scientifique sur la façon précise dont le changement climatique a affecté les caractéristiques propres aux cyclones tropicaux dans le passé récent – statistiquement parlant. Les pièces du puzzle commencent toutefois à s’assembler, en partie grâce à l’émergence récente d’études d’attribution rétrospective. Celles-ci consistent à simuler un événement météorologique qui s’est déjà produit, mais en faisant varier les conditions environnementales (i.e. climatiques) dans le modèle.

Prenons pour exemple le cas du cyclone Irma en 2017. Un ensemble de simulations sera destiné à reproduire ce qu’il s’est passé dans le monde réel, tandis qu’un autre servira à montrer ce qu’il se serait passé – toutes choses égales par ailleurs – si le cyclone avait eu lieu dans un monde sans changement climatique anthropique. En comparant les résultats, ces expériences numériques permettent d’estimer les impacts que le réchauffement global a eu sur le phénomène étudié, de même que ceux pouvant simplement résulter de la variabilité naturelle.

Une hausse des précipitations déjà effective et quantifiable

Une nouvelle étude de ce type a été publiée ce 15 novembre dans la revue Nature. Les chercheurs ont utilisé un modèle régional à haute résolution – possédant une maille horizontale de 4,5 kilomètres – afin de simuler rétrospectivement 15 ouragans majeurs de ces dernières décennies, dont Katrina et Irma qui ont laissé de douloureux souvenirs. La liste ne contient pas uniquement des phénomènes qui se sont manifestés dans l’atlantique nord, même s’ils en représentent la plus grande part. L’océan Pacifique et l’océan Indien sont également représentés.

De nombreuses modélisations ont été produites pour chaque ouragan. Tantôt dans le climat réellement observé, tantôt dans un climat contre-factuel où les humains n’ont jamais perturbé l’équilibre radiatif planétaire. Les données obtenues révèlent que le réchauffement a augmenté les quantités moyennes d’eau précipitée de 5 % à 10 % et a rendu plus probable l’occurrence d’événements pluvieux extrêmes par rapport au cas contre-factuel. Cependant, aucun résultat statistiquement significatif n’a été trouvé pour l’intensité des vents ou la valeur minimale du champ de pression en surface.

Des ouragans majeurs de plus en plus intenses et pluvieux à l’avenir

Par ailleurs, les scientifiques ont également analysé la façon dont auraient évolué ces cyclones s’ils s’étaient produits à la fin de ce siècle, dans le cas de réchauffements plus ou moins marqués – correspondant à 3 scénarios socio-économiques différents. Une hausse supplémentaire de 15 % à 35 % des quantités moyennes d’eau précipitée prendrait place suivant le scénario considéré. En outre, l’intensité des vents moyens montre cette fois une augmentation significative de 15 à 25 kilomètres par heure, parfois plus. Cette évolution est notamment liée à l’accentuation du contraste thermique entre les températures de surface de la mer et celles au sommet de la troposphère, bien plus froides. En imageant, on pourrait dire qu’une fois lancé, le moteur du tourbillon dépressionnaire a le potentiel de pousser plus fort.

Ricky Arnold/NASA/Twitter

On peut également rapporter que l’utilisation d’un modèle à haute résolution met en évidence que, qualitativement, les résultats ne dépendent pas de la finesse de celle-ci. « C’est une bonne nouvelle, car cela suggère que nous pouvons faire davantage confiance aux prévisions des modèles climatiques globaux avec des résolutions horizontales d’environ 25 kilomètres », a déclaré Christina M. Patricola, auteure principale de l’étude. Cependant, il est intéressant de noter que lorsque les structures de fine échelle sont correctement simulées, il apparaît qu’en climat plus chaud, les ouragans possèdent un anneau interne plus intense et un anneau externe affaibli. « La partie intérieure de la perturbation aspire l’humidité de la partie extérieure », précise Christina M. Patricola.

Au final, cette étude marque une avancée de plus dans le domaine de la détection et de l’attribution en contexte de changement climatique – ici, en ce qui concerne les ouragans. « Certaines études ont examiné comment différents cyclones ont pu être modifiés en raison du changement climatique. L’un des aspects importants de notre travail est que nous avons pu utiliser le même modèle climatique et la même méthodologie pour 15 phénomènes, ce qui nous permet d’évaluer la robustesse des résultats. Chose qui n’avait jamais été faite auparavant », indique l’auteure principale. Deux bémols toutefois au sujet des simulations exécutées. Elles ne sont faites qu’avec un seul modèle et ne sont pas couplées à l’océan – ce dernier influence l’atmosphère, mais l’inverse n’est pas vrai. La prise en compte de ces faiblesses et de leur influence sur les résultats présentés ici pourra faire l’objet de recherches futures.

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