La chalutage de fond libère autant de carbone que le transport aérien

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Pour la première fois, les scientifiques ont calculé la quantité de dioxyde de carbone libérée dans l’océan par les pratiques de chalutage de fond. Réponse : autant que le secteur aérien. Explications.

Le chalutage océanique est une méthode de pêche qui consiste à traîner de lourds filets sur le fond marin pour attraper des fruits de mer. Si l’usage de ce filet date de plusieurs siècles, l’industrialisation de cette pratique la rend dangereuse pour les écosystèmes. Plus on racle les fonds marins, moins on laisse le temps aux espèces de se reproduire. Résultat : la faune océanique se raréfie.

Mais ce ne sont pas les seuls dangers. Plus on racle les fonds, marins, et plus on les abîme également.

Or, les sédiments marins constituent le plus grand réservoir de carbone organique de la planète. Laissé tel quel, ce carbone organique peut rester séquestré dans les fonds océaniques pendant des millénaires. À l’inverse, la perturbation de ces réserves de carbone peut réactiver le carbone sédimentaire en CO2 – ce qui peut alors augmenter l’acidification des océans, réduisant ainsi leur capacité à absorber le dioxyde de carbone atmosphérique qui, finalement, s’accumule davantage dans l’atmosphère.

« Le fond de l’océan est le plus grand réservoir de carbone au monde. Si nous voulons réussir à stopper le réchauffement de la planète, nous devons laisser les fonds marins riches en carbone intact », résume à l’AFP Trisha Atwood, de l’Utah State University, co-auteur de ce nouvel article publié dans Nature. « Pourtant, chaque jour, nous raclons les fonds marins, appauvrissons sa biodiversité et mobilisons du carbone millénaire, exacerbant ainsi le changement climatique ».

De 0,6 à 1,5 gigatonne d’émissions par an

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont développé une carte du carbone stocké dans les fonds marins à l’échelle mondiale. Ils ont ensuite superposé cette carte avec des données de l’ONG Global Fishing Watch, qui permet de suivre les activités de pêche en grands fonds. Enfin, ils ont modélisé les émissions rejetées lorsque des sédiments riches en carbone étaient perturbés par les navires.

Atwood et son équipe ont alors découvert que le chalutage océanique était responsable de 0,6 à 1,5 gigatonnes d’émissions de carbone par an. À titre de comparaison, les émissions de l’industrie aéronautique sont estimées à près d’une gigatonne par an (environ 2,8 % des émissions de CO2 mondiales).

Point intéressant, une très grande partie de cette pollution se produit dans moins de 4 % de l’océan, en particulier dans les eaux de pêche souveraines des pays, appelées zones économiques exclusives (ZEE). D’après les auteurs, cela signifie que ces pratiques pourraient être réglementées beaucoup plus facilement que si elles s’opéraient dans les eaux internationales, où l’application des règles est difficile.

Le chalutage effectué par des bateaux dans la zone chinoise EZZ génère le plus grand volume d’émissions (environ 770 millions de tonnes métriques de CO2), selon l’étude. La Russie, l’Italie, le Royaume-Uni, le Danemark et la France arrivent derrière.

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Des rejets en continu

Autre point beaucoup moins réjouissant : les chercheurs ont découvert que les sols perturbés pourraient émettre du CO2 pendant près 400 ans, à un taux de 40 % des émissions initiales (année de la perturbation). Pour Trisha Atwood, c’est « la partie la plus choquante » de l’étude.

Au regard de ces résultats, les chercheurs demandent à ce que les pays concernés commencent à documenter ces émissions océaniques dans leurs inventaires de gaz à effet de serre. Ils prônent également un accord mondial visant à protéger d’autres zones de l’océan.

Pour « boucher » 90 % des émissions des fonds marins provenant du chalutage, seuls 3,6 % de l’océan devraient être protégés, selon l’étude. Aujourd’hui, seuls 2,7 % de l’océan est entièrement ou hautement protégé.