110 cancérologues dénoncent « le coût exorbitant » des médicaments contre le cancer

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Cent-dix cancérologues tirent la sonnette d’alarme et signent une pétition dans Le Figaro pour que les laboratoires cessent leurs profits complètement disproportionnés.

Les labos, des sangsues ? La Ligue contre le cancer dénonçait il y a quelques semaines les prix « injustes » et « exorbitants » des médicaments innovants qui menacent, selon elle, le système de santé et créent des inégalités entre les malades. Aujourd’hui, ce sont plus de cent-dix cancérologues et hématologues qui dénoncent les prix « absolument fous » des médicaments contre le cancer, en demandant l’instauration d’un « juste prix », dans une pétition publiée mardi par Le Figaro. Parmi les signataires, figurent notamment les présidents de l’institut Curie et de l’Institut Gustave Roussy, Thierry Philip et Alexander Eggermont, ainsi que Patrice Viens, président d’Unicancer (groupe hospitalier dédié à la lutte contre le cancer).

« De nombreuses innovations thérapeutiques apparaissent dans le domaine du cancer. (…) Pourtant, le coût d’abord croissant et maintenant exorbitant de ces innovations risque fort de compromettre ces espoirs », écrivent les deux cancérologues Dominique Maraninchi et Jean-Paul Vernan, tous deux à l’origine de cette pétition.

En effet, l’industrie pharmaceutique a longtemps calculé le prix d’un médicament en fonction de l’investissement qu’elle avait consacré à la recherche et au développement (R&D) de celui-ci. Or, aujourd’hui, et comme dans beaucoup d’autres domaines, les prix des nouveaux traitements explosent alors que le coût de recherche et développement diminue. Un paradoxe injustifié : « Alors que les anciens traitements du cancer étaient souvent issus de longs et difficiles screenings (dépistages) plus ou moins systématiques », les nouvelles molécules, elles, « visent des cibles définies a priori, et le plus souvent fournies par la recherche publique », soulignent les deux cancérologues. « Par ailleurs ces nouveaux traitements bénéficient d’autorisations de mise sur le marché (AMM) très rapides », notent-ils. « Des menaces réelles pèsent sur l’équité d’accès des patients aux traitements innovants des cancers, comme sur la pérennité de notre système de santé solidaire », assurent les deux spécialistes, s’appuyant sur la situation aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Sur France Info, le professeur Jean-Paul Vernant explique ce coup de gueule. « Ce que nous craignons, c’est le sens de cet appel, c’est que notre système de santé solidaire soit mis à mal par ces prix absolument fous. Le prix dépend de la capacité qu’a le marché de payer. Il n’a rien à voir avec ce que la molécule a coûté en recherche et développement ». Et il donne l’exemple du Glivec dont le traitement en France « coûte entre 30.000 et 40.000 euros par an alors que c’est un traitement que les Indiens fabriquent de manière générique à moins de 150 ou 200 euros pour le traitement annuel ».

Préoccupés, les cancérologues montent donc au créneau et proposent « de définir un juste prix pour les médicaments du cancer, basé sur les sommes investies par les industriels pour la R&D du produit », auquel « s’ajouterait un retour sur investissement raisonnable ». Ils préconisent également « de rendre le système d’arbitrage des prix plus démocratique et transparent, en y associant (…) des représentants des patients et des professionnels ».

Rappelons qu’en 2004, les médicaments contre le cancer représentaient un marché de 24 milliards de dollars ; en 2008, 40 milliards ; en 2014 ; 80 milliards sur un total de 650 milliards du coût des médicaments. Si rien n’est fait pour contenir cette inflation, en 2020, ils représenteront 155 milliards de dollars, soit un doublement en six ans.

Source : Figaro/France Info