Une reconstitution climatique d’un million d’années révèle la grande complexité de la mousson d’Asie du sud

orage pluie
Crédits : Lucy Chian / goodfreephotos.

L’analyse de carottes sédimentaires en provenance du golfe du Bengale a permis à des chercheurs de reconstituer les précipitations à l’est de l’océan Indien au cours du dernier million d’années. Les résultats ont mis en évidence que la dynamique de la mousson d’Asie du Sud est plus complexe qu’estimé jusqu’à présent. Ils révèlent en particulier sa grande sensibilité à un réchauffement de l’hémisphère sud.

La mousson est un système de vent en zone tropicale caractérisé par une bascule entre deux régimes bien définis. Au cours de la saison estivale, un flux d’air chargé d’humidité se dirige de l’océan vers le continent surchauffé en charriant d’énormes quantités de vapeur d’eau. Celles-ci y conduisent à de multiples bouffées orageuses associées à des pluies souvent diluviennes – c’est la mousson d’été. À l’inverse, lors de la saison froide, le vent souffle du continent vers l’océan. Cela assèche considérablement les masses d’air en présence et conduit à un temps très sec – c’est la mousson d’hiver.

Ces flux d’air alternés passant d’un hémisphère à l’autre sont provoqués par des différences de pression résultant du chauffage différentiel entre le continent et l’océan. On peut voir ce phénomène comme une sorte de brise géante. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la mousson la plus marquée de la planète est celle d’Asie du Sud. On y retrouve en effet une énorme masse continentale au nord d’une vaste zone océanique – l’océan Indien. Cette disposition méridienne maximise l’amplitude de la bascule saisonnière du flux d’alizés.

L’étude de la variabilité de ce régime de vent ainsi que son évolution dans le contexte du changement climatique est d’une importance majeure. Plusieurs milliards de personnes – probablement 5 milliards d’ici 2050 – sont directement soumises à l’influence de la mousson d’Asie du Sud. Une succession d’années anormalement sèches ou humides peut aboutir à des conséquences dramatiques dans ces régions très exposées aux aléas climatiques et fortement dépendantes de l’agriculture. Malheureusement, notre compréhension physique du phénomène est limitée et la façon dont il pourrait évoluer à l’avenir, encore plus.

Un comportement plus complexe qu’estimé précédemment

Dans une étude publiée le 8 novembre dernier dans la revue Nature Communications, un groupe de chercheurs s’est penché sur la variabilité de la mousson d’Asie du Sud aux échelles de temps géologiques. Pour ce faire, ils ont analysé des carottes de sédiments prélevées dans le golfe de Bengale, à l’est de l’océan Indien. En utilisant comme proxys les coquilles fossilisées de plancton qu’elles contenaient, ils ont pu reconstituer les précipitations dans la zone au cours du dernier million d’années.

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Cumulonimbus sur le centre de l’Inde, capturé depuis la station spatiale internationale le 12 août 2017. Crédits : NASA/Randy Bresnik.

Ces nouvelles données ont mis en lumière quelque chose d’assez surprenant. Jusqu’à présent, la variabilité de la mousson à ces échelles de temps était principalement expliquée par les variations de l’ensoleillement dans l’hémisphère nord, en lien direct avec les fluctuations de l’inclinaison de l’axe de la Terre. Quand l’ensoleillement augmente, les continents se réchauffent plus en été donc l’intensité du flux de mousson augmente – et inversement. Or, les résultats indiquent que seulement ~ 30 % de la variabilité des précipitations dans l’est de l’océan Indien peut être expliquée par ce processus. Selon l’étude, la majeure partie des variations seraient en fait forcées par le réchauffement océanique de l’hémisphère sud, qui aurait modulé le transport d’humidité d’un hémisphère à l’autre – on parle de transport trans-équatorial.

Les données mettent par conséquent en avant le rôle modulateur joué par les processus internes au système climatique dans la réponse de la mousson d’Asie du Sud aux forçages externes – dans le cas présent, aux variations des paramètres orbitaux de la planète. À l’évidence, cette dernière est particulièrement sensible à un réchauffement de l’hémisphère sud. Une information qu’il va désormais falloir prendre en considération, car elle peut intervenir dans le cadre du réchauffement climatique. « Ce processus n’avait pas été envisagé jusqu’à présent », a indiqué D. Gebregiorgis, auteur principal de l’étude. « L’analyse des nouvelles archives climatiques montre que nous n’avons pas encore bien compris la mousson. Tant que ce n’est pas le cas, il sera difficile d’évaluer les réactions de cet important système à une atmosphère qui se réchauffe globalement », conclut M. Frank, co-auteur de l’étude.

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