Contrairement aux humains, les seiches ne perdent pas la mémoire en vieillissant

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Crédits : naveenmanohar/Pixabay

Contrairement aux humains, les seiches sont capables de se souvenir d’événements spécifiques jusqu’aux derniers jours de leur vie. Rapportés dans les Proceedings of the Royal Society B, ces travaux sont les premiers à démontrer ces capacités dans le monde animal.

Il y a quelques mois, une étude dirigée par des chercheurs de l’Université de Cambridge (Angleterre), du Laboratoire de biologie marine de Woods Hole (Massachusetts) et de l’Université de Caen soulignait que les seiches peuvent se priver de nourriture si elles savent que le repas sera meilleur un peu plus tard (elles raffolent des crevettes). Autrement dit, les seiches peuvent s’adapter rapidement aux changements de leur environnement en utilisant une expérience passée.

D’un point de vue purement biologique, ce type de prise de décision, que nous humains pourrions considérer comme anodin, témoigne en réalité de capacités cognitives très complexes.

Chez les seiches, la mémoire ne flanche pas avec l’âge

Plus récemment, ces mêmes chercheurs se sont intéressés aux capacités de mémorisation de ces céphalopodes. Dans le cadre de ces travaux, l’équipe a proposé des tests de mémoire à vingt-quatre spécimens. La moitié d’entre eux avaient entre dix et douze mois (pas tout à fait adulte), tandis que l’autre moitié avait entre vingt-deux et vingt-quatre mois, ce qui équivaut à des humains âgés d’environ 90 ans.

Pour ces expériences, les seiches ont d’abord été entraînées à s’approcher d’un point précis de leur aquarium marqué d’un drapeau noir et blanc. Elles ont ensuite été formées pour apprendre que deux proies consommées couramment, des crevettes vertes (leurs préférées) et des crevettes royales, étaient disponibles à des endroits marqués par des drapeaux spécifiques et après des délais spécifiques. Ces travaux d’entraînements ont été menés quotidiennement pendant un mois.

Dans le cadre des tests suivants, l’équipe a cherché à déterminer si les seiches pouvaient se souvenir de l’endroit et du moment où leur nourriture préférée serait disponible. Résultat : toutes les seiches, quel que soit leur âge, surveillaient quelle nourriture apparaissait en premier à chaque drapeau et utilisaient cette information pour déterminer quel était le meilleur endroit pour se nourrir à chaque repas suivant.

« Les seiches peuvent se souvenir de ce qu’elles ont mangé, où et quand, et utiliser ces souvenirs pour guider leurs décisions d’alimentation à l’avenir« , résume ainsi Alexandra Schnell du département de psychologie de l’Université de Cambridge. « Ce qui est surprenant, c’est qu’elles ne perdent pas cette capacité avec l’âge, malgré d’autres signes de vieillissement tels que la perte de la fonction musculaire et l’appétit« .

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Crédits : Pauline Billard

Un avantage pour la reproduction ?

Nous savons que les humains qui prennent de l’âge perdent progressivement la capacité de se souvenir d’expériences produites à des moments et à des endroits particuliers (mémoire épisodique). Un exemple simple : « je ne me souviens plus de ce que j’ai mangé le lundi de la semaine dernière« . Le déclin de cette mémoire épisodique serait dû à la détérioration de notre hippocampe qui forme des souvenirs conscients d’événements quotidiens.

Les seiches développent quant à elles une structure cérébrale radicalement différente. Elles n’ont pas d’hippocampe, et leurs capacités d’apprentissage et de mémoire se concentrent dans le lobe vertical de leur cerveau. Or, ce dernier ne se détériore pas avant les deux ou trois derniers jours de la vie du céphalopode. D’après les auteurs, cela pourrait expliquer pourquoi les capacités de mémoire de ces animaux ne sont pas affectées par l’âge.

Quant aux raisons évolutives expliquant ces capacités mémorielles, les auteurs soupçonnent que cela pourrait être lié aux habitudes de reproduction de ces animaux. En effet, les seiches ne se reproduisent qu’en fin de vie. Aussi, le fait d’être capables de se souvenir des partenaires avec lesquels elles se sont accouplées et de situer ces interactions dans le temps pourrait aider les seiches à diffuser largement leurs gènes en s’accouplant avec autant de partenaires que possible.