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Crédits : Trevor Wallace

Sacrifice rituel impressionnant en Sibérie : les restes de 18 chevaux et un humain mis au jour

Les restes d’au moins une personne et de dix-huit chevaux découverts au sein d’un tumulus vieux d’environ 2 800 ans dans le sud de la Sibérie pourraient provenir d’une cérémonie sacrificielle scythe en l’honneur d’un roi ou d’une autre personne de l’élite enterrée là.

Les Scythes : un peuple nomade légendaire

Les Scythes n’ont laissé aucune trace écrite sur leur histoire. Tout ce que l’on sait de leur culture tournant autour de l’élevage de chevaux, de leur art équestre et de leurs sacrifices rituels nous a généralement été exclusivement narré par des peuples qui ont rencontré ces individus.

De tous ces récits, ceux de l’historien grec Hérodote (vers 484 à 420 av. J.-C) sur leurs rituels funéraires sacrificiels complexes comptent parmi les plus passionnants et épiques. Selon lui, les Scythes sacrifiaient en effet des dizaines de chevaux et de serviteurs pour honorer la mort d’un roi scythe. Une fois tués, les chevaux étaient ensuite éventrés et empaillés, et les humains et chevaux sacrifiés étaient dressés avec du bois pour donner l’impression qu’ils tournaient autour du tumulus funéraire.

Hérodote rapporte aussi que les Scythes ont migré vers l’ouest depuis l’Asie centrale après avoir été chassés par un groupe hostile, mais d’autres auteurs contemporains ont donné des récits différents sur les origines des cavaliers. Des études génétiques modernes ont également montré que les Scythes du premier millénaire av. J.-C. étaient un groupe culturel diversifié contenant des ascendances sibérienne, est-asiatique et eurasiatique. Toutefois, l’histoire complète de la manière et du lieu où ces groupes se sont réunis pour former la culture scythe fait encore débat, d’où cette étude menée en Sibérie.

Une étude en Sibérie pour retracer les mouvements des Scythes

Les archéologues ont découvert des preuves d’un rituel de sacrifice unique d’humains et de chevaux dans un énorme tumulus funéraire préhistorique en Sibérie méridionale. Selon une étude publiée le 8 octobre 2024 dans la revue Antiquity, les fouilles sur le site de Tunnug 1 en Touva, en Russie, révèlent plus précisément que ce tumulus royal date de la fin du IXe siècle. Par ailleurs, ce site de l’âge du fer est l’un des plus anciens et des plus grands des steppes eurasiennes. Ce lieu se démarque surtout par le nombre élevé de restes fragmentés retrouvés sur place. Les experts comptent en effet au moins dix-huit chevaux et un humain sur le tumulus qui suggèrent qu’ils ont été sacrifiés en l’honneur de l’individu d’élite enterré à l’intérieur.

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Source: DR
Un schéma réalisé par les chercheurs pour montrer la zone étudiée ici et une photo par le photographe T. Wallace. Crédits : Caspari et coll. Antiquity, 2024. Trad. : SciencePost.fr

Toutefois, les chercheurs ont surtout vu ce tumulus comme une opportunité d’en apprendre plus sur les Scythes, ces « cavaliers célèbres [qui] ont captivé l’imagination des gens depuis l’époque d’Hérodote », d’après le Dr Gino Caspari, l’auteur principal de la recherche affilié à la Société Max Planck et à l’Université de Berne (Allemagne).

Une découverte importante en Sibérie

Comme nous l’avons expliqué plus tôt, les Scythes sont en effet un peuple nomade des steppes célèbre pour leur mode de vie centré sur les chevaux. Et tout au long de l’histoire, leur mode de vie mobile leur a permis de migrer sur de grandes distances, ce qui complique la tâche lorsque les historiens cherchent à retracer leurs origines exactes. Bien qu’il soit connu qu’ils se sont déplacés de l’Asie centrale vers la steppe pontique (dans ce qui est aujourd’hui le sud-ouest de la Russie et l’Ukraine), leurs racines sont restées un mystère jusqu’à présent.

Or, cette découverte dans le tumulus de Tunnug 1 suggère que les Scythes, principalement connus pour leur présence en Europe de l’Est, pourraient en réalité avoir eu des origines encore plus à l’est que ce que l’on pensait auparavant. Cela renforce également l’idée que les premières cultures centrées sur les chevaux étaient hautement mobiles et se sont étendues sur de vastes régions.

Un sacrifice sur le thème des chevaux, prémisse d’une culture plus complexe en développement

Parmi les restes excavés dans le tumulus se trouvent surtout des fragments de chevaux qui renforcent l’idée que les rituels funéraires centrés sur les chevaux étaient déjà présents chez les premiers Scythes, reflétant ainsi des coutumes plus tard décrites dans des textes classiques à des milliers de kilomètres à l’ouest, en Europe.

Ces ossements de chevaux, trouvés aux côtés d’objets animaliers de style scythe et d’équipements équestres, indiquent en outre que ces pratiques faisaient partie d’un phénomène culturel plus large que les Scythes développeraient avec une plus grande complexité plus tard.

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Source: DR
Quelques éléments excavés sur le site. Crédits : Caspari et coll. Antiquity, 2024.

Avant tout un témoignage de l’histoire des steppes eurasiennes

Au-delà de ces observations, le tumulus de Tunnug 1 en Sibérie partage également de nombreuses similitudes avec les sépultures de l’âge du bronze tardif en Mongolie, ce qui indiquerait que certains éléments des rituels funéraires scythes ont des racines encore plus à l’est et au sud. Les cultures équestres de l’âge du bronze en Mongolie pourraient notamment avoir influencé les pratiques funéraires adoptées plus tard par les Scythes.

« Les preuves de Tunnug 1 solidifient le rôle crucial que joue la Touva dans la préhistoire eurasienne », conclut ainsi le Dr Caspari. « Nos découvertes mettent en lumière l’importance de l’Asie intérieure dans le développement des connexions culturelles transcontinentales. »

Il ajoute que ces rituels funéraires ne représentent pas seulement un élément de la vie spirituelle des Scythes, mais pourraient aussi avoir joué un rôle clé dans des processus plus larges de transformation culturelle et politique à travers l’Eurasie. Les pratiques documentées à Tunnug 1 pourraient en effet avoir contribué à l’émergence des empires pastoraux à des étapes ultérieures, tels que d’autres peuples nomades qui ont dominé de vastes zones de l’Eurasie, à commencer par les Huns et les Mongols qui ont ensuite massivement influencé les histoires européennes et est-asiatiques.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.