La mission Mars Sample Return, qui prévoit de rapporter des échantillons martiens sur Terre pour la première fois dans le but de rechercher des traces de vie, est une mission d’envergure très attendue. C’est également un projet incroyablement complexe qui commence visiblement à coûter très cher.
La NASA et ses partenaires internationaux, dont l’Agence spatiale européenne, souhaitent rapporter sur Terre des échantillons martiens depuis des décennies. Un tel matériel pourrait à la fois permettre de mieux comprendre l’histoire géologique de Mars et d’isoler des potentielles preuves de vie extraterrestre passée.
Après plusieurs solutions envisagées, la NASA et ses partenaires se sont finalement entendus sur une conception finale il y a environ un an. Dans le cadre de ce plan, la NASA développera un grand atterrisseur qui doit normalement être lancé en 2028. Une fois sur place, le rover Perseverance, chargé de collecter plusieurs dizaines d’échantillons, les placera dans le ventre de l’atterrisseur, à l’intérieur d’une petite fusée. Celle-ci décollera dans le but de remettre les échantillons à un orbiteur envoyé entre-temps par l’agence spatiale européenne. Enfin, une capsule se détachera dans le but de rapporter les échantillons vers la Terre.
Notez également que la NASA prévoit d’envoyer deux petits drones similaires à Ingenuity. Ils seront chargés de récupérer les échantillons de Perseverance pour les remettre à l’atterrisseur en cas de défaillance du rover.
Côté calendrier, si la NASA parvient à développer et à lancer son atterrisseur d’ici 2028, les échantillons pourraient être renvoyés sur Terre en 2033.

Une facture de plus en plus salée
Une mission aussi complexe nécessite naturellement un énorme budget. Cependant, et c’est pourquoi l’on parle de démesure, elle coûtera visiblement beaucoup plus cher que prévu. Selon deux sources proches du dossier, le responsable du programme de la mission au Jet Propulsion Laboratory, Richard Cook, et le directeur de la mission au siège de la NASA, Jeff Gramling, auraient en effet informé les dirigeants de l’agence la semaine dernière de cette augmentation des coûts.
Initialement, le coût de développement de la mission était de plus de 4,4 milliards de dollars. Désormais, il faudra débourser entre huit et neuf milliards de dollars. Toutefois, ce chiffre ne représente que le coût de construction et de test des différents composants de la mission. Autrement dit, ce budget n’inclut pas les coûts de lancement, d’exploitation sur une période de cinq ans et la construction d’une nouvelle installation de réception d’échantillons pour traiter les roches ainsi que le sol de Mars.
Au final, le coût total de la mission devrait tourner autour des dix milliards de dollars.
Comment expliquer ces dépassements de coûts ?
Thomas Zurbuchen, l’ancien chef des programmes scientifiques de la NASA, a souligné plusieurs erreurs techniques malheureusement commises au cours de sa première phase de planification au Jet Propulsion Laboratory (JPL).
Comme dit plus haut, les chercheurs ont imaginé plusieurs solutions possibles. Le concept original impliquait par exemple l’envoi d’un petit rover chargé de collecter les échantillons déposés au sol par Perseverance. La NASA a donc dépensé du temps et beaucoup d’argent pour développer cette idée, qui s’est finalement révélée mauvaise. Par la suite, le plan avait évolué pour ajouter un deuxième atterrisseur. Là encore, cette idée a depuis été abandonnée. Toutefois, les coûts avaient déjà entre-temps augmenté de plus d’un milliard de dollars.
Par ailleurs, la planification de cette mission a été entravée par les problèmes de gestion au sein du Jet Propulsion Laboratory qui avaient notamment entraîné le retard de la mission Psyche. Depuis, tout est rentré dans l’ordre. Cependant, tout retard de planification coûte naturellement de l’argent.
D’autres préoccupations concernent également la taille de l’atterrisseur lui-même. Avec une masse de 3,4 tonnes métriques, ce véhicule sera en effet bien plus grand que tout autre engin jamais posé sur Mars. Une fois complètement étendu, cet atterrisseur devrait mesurer 7,7 mètres de large et 2,1 mètres de haut, ce qui représente environ la taille d’un garage pour deux voitures.
Notez qu’une grande partie de cette masse sera constituée de carburant en raison de la taille de l’atterrisseur et de la nécessité d’atterrir très près du rover Perseverance.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Pour toutes ces raisons, il est quasiment certain que la mission ne pourra pas décoller en 2028, mais probablement deux ans plus tard. Et pendant ce temps, les coûts continueront de creuser un trou majeur dans le budget des sciences planétaires de la NASA (qui est d’environ trois milliards de dollars par an) pour le reste de cette décennie. Ainsi, il est fort probable que cette mission de retour d’échantillons martiens « siphonne » la majeure partie du budget de l’astrophysique de l’agence au détriment d’autres projets, à l’instar du James Webb Telescope.
Naturellement, le jeu pourrait en valoir la chandelle. Après tout, l’objectif de la NASA est de prouver l’existence passée (ou présente) d’une vie extraterrestre sur Mars. Cependant, rien n’est acquis de ce côté-là. D’ailleurs, la plupart des scientifiques planétaires pensent en réalité que la mission n’a qu’une très faible chance de trouver des preuves définitives de vie sur la planète rouge. En cas d’échec, le grand public pourrait alors se demander pourquoi la NASA a dépensé dix milliards de dollars pour n’étudier que son histoire géologique.

Quelles solutions ?
Pour Mark Zurbuchen, l’une des options que devrait privilégier la Nasa serait d’externaliser le développement de cet énorme atterrisseur. Cette pièce maîtresse de la mission représentera en effet probablement environ la moitié du coût total. En outre, si les ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory a effectivement beaucoup d’expérience dans le développement de rovers martiens, ils n’ont à ce jour construit aucun atterrisseur stationnaire. En revanche, la société Lockheed Martin en a par exemple déjà construit plusieurs. D’autres sociétés, comme SpaceX, Intuitive Machines et d’autres pourraient également faire des propositions.
Une autre option consistera à supprimer le développement des deux hélicoptères de type Ingenuity, et donc de compter sur la bonne santé de Perseverance le moment venu.
Pour l’heure, la NASA a encore le temps d’apporter des modifications importantes à la mission. Cependant, elle ne doit pas tarder. D’ici la fin de l’année, le projet devra en effet passer le processus Key Decision Point-C. Il s’agit d’une étape importante au cours de laquelle une évaluation détaillée est réalisée pour déterminer si une mission est prête à passer à la phase de développement complet. Une fois cette étape passée, l’agence sera donc plus ou moins engagée dans le programme et ne pourra quasiment plus faire marche arrière.
