Pourquoi la majorité des fossiles appartiennent-ils à des spécimens mâles ?

Crédits : hummelmose / Pixabay

Mammouths, ours, bisons… Une récente étude suggère que la grande majorité des ossements d’animaux anciens retrouvés appartiennent à des mâles. Des chercheurs tentent de comprendre pourquoi.

Il y a quelques années, des chercheurs de l’Université d’Adélaïde, en Australie, ont commencé à remarquer une tendance surprenante. Il semblait – du moins dans leur musée – que la grande majorité des ossements fossiles retrouvés et exposés appartenaient à des animaux de sexe masculin. Plus tard – il y a deux ans – des chercheurs du Museum suédois d’histoire naturelle ont publié un article dans Current Biology confirmant ce « sexisme » apparent. Ces derniers avaient en effet étudié 95 ensembles de restes de mammouths, et ont découvert que 69% étaient des mâles.

Une observation surprenante, donc, d’autant que rien dans les archives ne laisse à supposer que le ratio mâles/femelles dans les populations de mammouths ou de bisons était biaisé à la naissance. Mais alors, comment expliquer ce déséquilibre ? Les chercheurs ne peuvent que spéculer, sur la base de leurs connaissances et du comportement d’espèces plus modernes.

Les jeunes mâles plus téméraires

Le paléontologue Graham Gower, co-auteur de cette nouvelle étude publiée dans les Actes de l’Académie Nationale des Sciences, prend ici l’exemple du mammouth. Les jeunes mâles, plus téméraires et plus susceptibles de voyager seuls, risquaient davantage leur vie. Loin de la protection du troupeau, ils étaient en effet plus facilement ciblés par les prédateurs, dont l’Homme faisait parti. Pour les chercheurs, il est alors possible que ces animaux, pourchassés, aient eu plus de risques de se retrouver coincés dans des tourbières, crevasses ou des lacs avant d’y mourir. Dans des lieux au final plus propices à la fossilisation.

Mammuthus columbi. Créditq : Wikkipédia

Même constat chez les bisons et les ours

Les chercheurs ne se sont pas arrêtés aux mammouths. Ils se sont ensuite concentrés sur les restes de 186 anciens bisons et de 91 ours bruns. Ils ont dans un premier temps découvert que 75% des fossiles de bisons étaient des mâles. Ce qui ne les a finalement pas trop surpris, dans la mesure où ces animaux ont une structure sociale très équivalente à celle des mammouths. Plus surprenant en revanche, ils se sont également aperçus que les deux tiers des fossiles d’ours étaient également des mâles. Or, les ours ne vivent pas en troupeaux.

Pour expliquer cette observation, les chercheurs émettent l’hypothèse que, les mâles ayant des aires de répartition plus larges que les femelles, ils peuvent mourir dans des environnements plus étendus. Ce qui permet ensuite aux humains de retrouver plus facilement leurs fossiles. Les chercheurs ont également noté que cette disparité entre les sexes se réduisait à mesure que les fossiles étaient retrouvés à de plus hautes altitudes, là où les femelles ont des aires de rayonnement plus vastes.

Il est également possible – qu’il s’agisse des mammouth, des bisons ou des ours – que les collectionneurs aient été plus enclins, il y a quelques décennies, à ne rechercher et conserver que les trophées les plus grands et plus impressionnants.

bison
Le premier fossile de Bison « antiquus » retrouvé à Big Bone Lick, dans le Kentucky. Crédits : Wikipédia

Tous les mammifères, ou presque

Enfin, les chercheurs ont poursuivi leur étude en examinant le rapport mâles/femelles chez plusieurs centaines d’espèces. Grâce, notamment, aux bases de données en ligne du Musée américain d’histoire naturelle de New York, du Musée d’histoire naturelle de Londres, du Musée national d’histoire naturelle de la Smithsonian Institution, à Washington, DC, et enfin du Musée royal de l’Ontario. Tous les spécimens étudiés avaient été collectés au cours de ces 100 dernières années. Résultat : même constat, à l’exception de trois espèces. Chez les chauves-souris, les paresseux et les fourmiliers, la majorité des fossiles étaient en effet ceux de femelles.

Pour l’heure, les chercheurs ne peuvent expliquer ces différences. Toujours est-il que le fait de retrouver une majorité de spécimens mâles par rapport aux femelles dans les musées est un véritable problème. Si nous souhaitons mieux appréhender l’anatomie ou le comportement des espèces anciennes, il est important d’avoir sous la main des spécimens nous permettant de brosser un tableau plus précis de la composition des effectifs passés. Au regard de ces résultats, les chercheurs suggèrent que, dès qu’ils le peuvent, les conservateurs de musée privilégient des spécimens femelles. Dans un souci d’équilibre.

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