Le phytoplancton devrait continuer à épurer une quantité croissante de CO2 durant ce siècle

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Bloom de phytoplancton dans l'ouest du Pacifique, à l'est des côtes japonaises. Crédits : European Space Agency.

Une étude fait le point sur la façon dont devrait évoluer l’absorption de carbone par le phytoplancton au cours du siècle selon différents scénarios de réchauffement climatique. Si les conclusions concordent sur une augmentation de l’absorption d’ici à 2100, elles divergent très largement au-delà de cet horizon. Les résultats ont été publiés dans la revue PNAS ce 11 juillet.

Le phytoplancton comprend l’ensemble des organismes végétaux proliférant dans la couche superficielle de l’océan. De taille microscopique, il en existe plus de vingt mille espèces. Rappelons que celui-ci revêt une importance écosystémique majeure puisqu’il se situe à la base des chaînes alimentaires marines. Par ailleurs, il participe à la régulation du climat global par la capture du dioxyde de carbone atmosphérique (CO2) qu’il transforme en dioxygène (O2).

Le phytoplancton devrait assurer un pompage efficace de carbone tout au long du siècle

Les dernières recherches indiquent que le plancton continuera d’absorber une quantité croissante de carbone au cours du siècle, représentant 5 % à 16 % de l’absorption océanique totale d’ici à 2100. La pompe biologique de carbone est ici en jeu. Lorsque le plancton meurt, il chute vers les profondeurs ce qui induit un retranchement net de carbone de l’atmosphère pour quelques centaines d’années, voire plusieurs dizaines de millions d’années pour la petite fraction qui atteindra les sédiments et se transformera en combustibles fossiles.

Avec le changement climatique, cette circulation des restes de plancton devrait ralentir, impliquant une augmentation du temps de résidence du carbone dans les couches intermédiaires et profondes de l’océan. La pompe biologique est donc plus efficace, d’où l’absorption croissante de carbone simulée par la dernière génération de modèles climatiques (CMIP6) utilisés dans le sixième rapporte d’évaluation du GIEC et dont le premier volet est paru en août 2019. Ces résultats contrastent avec ceux obtenus par de précédents travaux.

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Évolution du stockage de carbone par la pompe biologique (en pétagrammes de carbone) entre 1850 et 2100 dans un scénario de réchauffement limité (A) et peu ou pas limité (B). Les courbes en couleurs représentent chacune un modèle différent. Crédits : Jamie D. Wilson & coll. 2022. 

Les chercheurs retracent l’origine de ce désaccord à la manière dont est évaluée l’efficacité de la pompe biologique. En effet, les études précédentes avaient tendance à regarder la quantité de matière organique exportée vers les profondeurs, un paramètre qui tend effectivement à décliner. « La production exportée n’est peut-être pas une mesure aussi précise de la pompe à carbone biologique qu’on le pensait auparavant », souligne à ce titre Anna Katavouta, coauteure de l’étude.

En pratique, la moindre exportation est compensée par une percolation plus efficace de la matière organique. Les facteurs environnementaux comme la température, le degré d’oxygénation des eaux et l’activité des consommateurs de phytoplancton vont jouer sur la quantité de matière organique en mesure d’atteindre les profondeurs. Ensemble, ils représentent donc un élément clé. « Nous avons démontré que le flux de matière organique à mille mètres est un meilleur prédicteur de la séquestration de carbone à long terme associée à la pompe biologique », note la chercheuse.

Une incertitude qui explose après la fin du siècle

En raison de la difficulté persistante à représenter ces processus complexes dans les modèles, les projections de la capture de carbone après 2100 restent extrêmement incertaines. Certains modèles indiquent une inversion de la pompe biologique avec un relargage de carbone en direction de l’atmosphère qui renforcerait alors le réchauffement. D’autres montrent au contraire une absorption qui se maintient à un niveau plus ou moins égal dans le temps.

« Cette recherche démontre l’importance cruciale de la zone crépusculaire pour le stockage biologique du carbone dans l’océan », relate Jamie D. Wilson, auteur principal du papier. « Cette partie de l’océan est encore mal comprise, car elle est difficile à observer, mais elle commence aussi tout juste à subir les pressions des changements environnementaux, de la pêche et de l’exploitation minière en haute mer. Comprendre comment la zone crépusculaire contrôle la quantité de carbone stockée dans l’océan par la biologie signifie que nous pourrions comprendre comment éviter les pires impacts des pratiques humaines comme la pêche et l’exploitation minière ».